Le droit à l’éducation reconnu dans la législation relative aux droits de l’Homme doit être mis en œuvre à un niveau national. Les États ont l’obligation de protéger, respecter et ce droit à l’éducation. Ils sont juridiquement liés aux traités qu’ils ont ratifiés, et sont également moralement et politiquement tenus de mettre en œuvre les recommandations et déclarations. Dans tous les cas, il est essentiel que les engagements à la fois politiques et juridiques pris au niveau international soient reflétés dans les constitutions et la législation, puis ensuite traduits en politiques et programmes, afin que les individus jouissent de manière significative du droit à l’éducation, et puissent tenir l’État responsable en cas de violation ou de manquement à l’encontre de leurs obligations.

Une étape essentielle dans l’utilisation d’une approche fondée sur les droits de l’Homme (HRBA) est le suivi de la mise en œuvre du droit à l’éducation pour s’assurer que l’État suit la bonne voie et se conforme aux normes qu’il a approuvées. En identifiant les obligations de l’État et les violations du droit à l’éducation, des recommandations sur des mesures spécifiques et ciblées peuvent être faites- elles seront ainsi plus enclines à produire un résultat positif.

Il existe de nombreux mécanismes pour surveiller le droit à l’éducation. Ces méthodes peuvent varier en fonction des acteurs qui conduisent ce suivi et en fonction du but de l’exercice.

 

En bref, le contrôle peut aider à fournir une évaluation:

  • Du cadre légal qui garantit le droit à l’éducation

  •  Des lacunes dans l’accomplissement de la mise en œuvre progressive du droit à l’éducation, y compris la régression potentielle de cette mise en œuvre et l’adhésion ou non à des normes fondamentales minimales.

  • Des défis et des obstacles qui entravent la progression de cette implantation.

  • De la violation du droit à l’éducation aussi bien que des actions correctives et des mesures pour remédier à ces violations.

Lors du suivi du droit à l’éducation, il est important d’examiner les lois et politiques, mais il est également important de s’intéresser aux pratiques à proprement parler. Il se peut que sur le papier les politiques et les lois soient bonnes, mais qu’en réalité leur exécution soit médiocre, ou bien qu’il n’y ait pas ou peu de fonds destinés à faciliter la mise en œuvre de ces lois ou politiques éducatives. Il est donc essentiel d’avoir une vue d’ensemble et de collecter toutes les sources d’information (pratiques, données, lois, politiques, et recommandations faites au gouvernement) pour identifier les raisons pour lesquelles on ne peut pas complètement jouir de ce droit à l’éducation.

 

  • Le cadre juridique du droit à l’éducation :

 

Pour commencer, il est important de revoir le cadre juridique qui garantit le droit à l’éducation dans un pays en particulier pour déterminer si les lois et mesures nationales respectent les lois internationale des droits de l’Homme :

  • Quel est le traité des droits de l’Homme qui garantit le droit à l’éducation ratifié par l’État ?

  • La Constitution garantit-elle le droit à l’éducation ? Jusqu’à quel point ?

  • L’État a-t-il adopté des lois sur l’éducation qui fournissent un cadre juridique détaillé pour garantir un droit à l’éducation ?

  • L’État a-t-il adopté des mesures pour mettre en œuvre ce droit à l’éducation ? Ces mesures sont-elles conformes aux lois nationales ?

 

Si les lois et mesures respectent les normes conformes aux droits de l’Homme, alors les violations se sont probablement produites du fait d’un  manquement à l’obligation de les faire respecter.

Si les lois et politiques ne se conforment pas aux normes internationales relatives aux droits de  l’Homme, alors ces violations sont susceptibles de se reproduire à moins que ces mêmes lois ne soient modifiées.

 

  • La mise en application du droit à l’éducation sur le terrain :

 

Il est en outre très important de contrôler le droit à l’éducation sur les plans scolaires, régionaux et nationaux, en utilisant des données qualitatives et de quantitatives.

Par exemple :

 

  • Existe-t-il une discrimination envers certains groupes en particulier? Les filles ? Les minorités ?

  • Certaines régions sont-elles particulièrement désavantagées par une éducation de moindre qualité ?

  • L’enseignement primaire est-il vraiment gratuit ?

 

  • Le budget alloué à l’éducation :

 

Un examen du budget alloué à l’éducation est également un indicateur très utile de la réelle mise en œuvre du droit à l’éducation. Le budget alloué reflète non seulement le montant des ressources investies dans le secteur de l’éducation mais aussi les mesures prioritaires du gouvernement.

Il faut une analyse attentive pour évaluer - et remettre en cause- l’ampleur de la volonté politique et si l’utilisation la plus efficace des ressources disponibles est faite. Il peut aussi être utile d’identifier des zones négligées, insuffisamment financées ou dont le financement a baissé, dévoilant ainsi de possibles  manquements  ou violations. Cependant, il est également important de se concentrer sur les efforts consentis par le gouvernement plus que sur le seul montant du budget dépensé pour l’Éducation. Par exemple, un pays avec peu de ressources peut très bien les répartir équitablement, accomplissant de lents mais importants et justes progrès dans l’éducation de tous les membres de la société, contrairement à un pays riche qui investit un montant globalement élevé dans l’éducation, mais très faible pour les communautés ou les zones les plus défavorisées, ou pire qui en réduit le budget au fil du temps.

D’autres restrictions concernant l’analyse du budget incluent le manque de transparence de certains budgets ou le fait que la hausse des ressources consacrées à l’éducation n’accroisse pas nécessairement l’accès ou la jouissance du droit à l’éducation. En bref, plus que de s’intéresser à combien le montant du budget s’élève, il est très important de regarder comment il est dépensé. Il est tout aussi important de s’inquiéter de la transparence et de la collégialité du processus de répartition du financement.

 

Plus d’informations sur le financement de l'éducation ici.

Quand on identifie les violations, il est important d’avoir en tête les différences entre les obligations immédiates - comme la non-discrimination - et les obligations à appliquer progressivement - comme l’enseignement supérieur gratuit. C’est à ce titre qu’il est important de bien saisir ce qui constitue une violation et ce qui peut être considéré comme un simple défaut de mise en œuvre complète du droit à l’éducation (mais pas une violation de facto).

Les violations du droit à l’éducation sont des actes volontaires ou des omissions faites par l’État qui le conduisent à l’impossibilité, délibérée ou non, de remplir ses obligations. Dans le premier cas (actes volontaires) la violation se produit à cause des actions de l’État; dans le deuxième (omission) la violation apparait quand l’État reste passif ou n’arrive pas à prendre les mesures nécessaires.

Il n’y a pas que l’État qui puisse bafouer les droits de l’Homme. Des acteurs privés (ou non-étatiques) comme des individus et sociétés privés sont souvent responsables de violations du droit à l’éducation envers des individus à travers le monde entier.  Dans ces cas-là, l’État a l’obligation de protéger les droits de l’Homme en réglementant les actions des entités privées, pour s’assurer de leur conformité avec les normes relatives aux droits de l’Homme.

Pour plus d’informations, voir «Identifying Violations of the Right to Education», Fons, 1998 (en anglais uniquement).

Certains outils peuvent aider à surveiller l’application du droit à l’éducation. Voici listés ci-dessous une sélection de ces outils développés par Le Right to Education Project:

 

  • Les indicateurs du droit à l’éducation

 

Pour pouvoir contrôler la conformité de l’État avec ses obligations et pour évaluer la jouissance du droit à l’éducation, l’utilisation d’indicateurs (à la fois qualitatifs et quantitatifs) basés sur les dispositions spécifiques de la législation relative aux droits de l’Homme est très utile.

Depuis 2008, le Right to Education Project s’est fixé comme objectif de développer et de mettre en place une série d’indicateurs reposant sur le droit international relatif aux droits de l’Homme. Le Right to Education Project a développé plus de 200 indicateurs (en anglais uniquement) conçus pour être utilisés comme des outils permettant d’évaluer la progression d’un État vers la mise en œuvre totale du Droit à l’éducation, permettant d’identifier les violations du droit à l’éducation et  permettant à la société civile de contraindre les gouvernements à rendre compte de leurs obligations quant au droit à l’éducation.

Voir notre Guide de suivi pour plus d’informations (en anglais uniquement).

 

  • Promouvoir les droits au sein de l’école

 

En 2010, le RTE et ActionAid ont co-développé l’outil La Promotion des droits à l’École (de RTE Project et ActionAid), qui utilise les indicateurs du RTE pour contrôler l’application du droit à l’Éducation dans les écoles sur un plan local.

L’outil PDE constitue le cœur du programme d’ActionAid et ambitionne de populariser à la fois l’éducation comme relevant des droits de l’Homme et comme moyen pour les communautés  locales d’engager des procédures en lien avec le droit à l’éducation.

 

  • Bases de données utiles

 

Il existe de nombreuses bases de données qui regroupent des informations aussi bien sur les statistiques, les lois ou les politiques éducatives.

Voir notre liste de bases de données utiles.

 

Aux niveaux nationaux, régionaux et internationaux, il existe des mécanismes de contrôle du droit à l’éducation fondés sur les droits de l’Homme qui peuvent fournir des informations sur l’application de ce droit dans des pays en particulier. La plupart du temps,  vous pouvez aussi leur transmettre des rapports en cas de violations du droit à l’éducation ou de lacunes dans sa mise en œuvre.

 

 Au niveau national, il peut être utile de rentrer en contact avec :

 

  • Les Institutions Nationales de défense des droits de l’Homme dont les missions sont de promouvoir et protéger les droits de l’Homme dans le pays. Plus d’informations ici (en anglais uniquement).

  • Les médiateurs.

  • les offices nationaux de statistiques. Bien que les ministères de l’éducation soient les instances toutes désignées pour collecter des données sur l’éducation, vous devriez aussi regarder d’autres informations statistiques pour vous aider à contrôler la mise en œuvre du droit à l’éducation, tel que le taux d’emploi chez le jeune adulte, la croissance démographique, les soins de santé et les services sociaux, etc.

  • Les conseils scolaires locaux et les Comités de gestion d’établissement collectent en général des données sur leurs étudiants et leur expérience au sein de l’école.

 

Il faut aussi savoir que les États ont l’obligation d’adopter des critères minimum d’éducation et de s’assurer que les institutions à la fois publiques et privées les respectent. Cela implique que l’État développe un cadre de surveillance pour s’assurer que ces critères soient bien respectés. Contrôler des mécanismes peut inclure l’inspection des écoles, l’élaboration de critères d’agrément ou bien de tests standardisés. Ce sont souvent de bonnes sources de données pour révéler les inégalités et les violations potentielles.

Au niveau régional et national, vous pouvez vous mettre en relation avec les organes de défense des droits de l’Homme, tels que les organes de traités des Nations Unies. Vous trouverez plus d’informations sur notre page dédiée aux mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits de l’Homme.

 

Plus d’informations sur la marche à suivre pour faire un signalement auprès de ces organes ici.