Il existe un droit indiscutable à l'enseignement supérieur : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) prévoit que l'enseignement supérieur " doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité" (article 13.3.c). S'il n'est pas exigé que l'enseignement supérieur soit universellement accessible, les États doivent veiller à ce que l'enseignement supérieur soit également accessible en fonction des "capacités". Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) explique que la "capacité" des individus est "évaluée par référence à l'ensemble de leurs compétences et expériences pertinentes" (CDESC, Observation générale 13, paragraphe 18). 

Le droit à l'enseignement supérieur ne permet aucune forme de discrimination. Cependant, tous les pays font face à des défis au moment de garantir l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. Des enjeux tels que la privatisation de l'enseignement supérieur et l'augmentation des frais de scolarité représentent une menace pour l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur, en particulier dans les contextes où des inégalités structurelles - telles que, par exemple, les inégalités de classe ou territoriales - persistent. Les femmes et les "groupes minoritaires" (tels que les migrants et les personnes handicapées) peuvent également avoir plus de difficultés à accéder à l'enseignement supérieur. 

L’Unesco définit l'enseignement supérieur comme englobant "tous les types d'enseignement (universitaire, professionnel, technique, artistique, pédagogique, enseignement à distance, etc.) dispensés par les universités, les instituts technologiques, les écoles normales d'instituteurs, etc., qui sont normalement destinés aux étudiants ayant terminé leurs études secondaires et dont l'objectif éducatif est l'acquisition d'un titre, d'un niveau, d'un certificat ou d'un diplôme d'enseignement supérieur. 

L'enseignement supérieur est parfois aussi appelé "enseignement tertiaire". Il existe toutefois une distinction conceptuelle. L'enseignement tertiaire est un terme générique qui englobe tout l'enseignement post-secondaire : il inclut l'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) ainsi que l'enseignement supérieur. Par conséquent, dans le cadre du droit international relatif aux droits humains, le terme d'enseignement tertiaire n'est généralement pas utilisé. Les instruments font plutôt référence à l'enseignement et à la formation techniques et professionnels, ainsi qu'à l'enseignement supérieur.

Les États ont l'obligation immédiate de garantir le droit à la non-discrimination et à l'égalité dans l'accès et l’exercice du droit à l'enseignement supérieur. Malgré cela, les discriminations indirectes et systémiques continuent d'affecter le droit à l'enseignement supérieur en créant des inégalités et des exclusions, principalement dans l'accès à l'enseignement supérieur. En effet, les gens n'ont pas les mêmes chances d'accéder à l'enseignement supérieur, indépendamment de leur classe, de leur sexe, de leur origine ethnique et/ou de leur situation géographique.  Certains groupes privilégiés sont surreprésentés dans les systèmes d'enseignement supérieur, tandis que les groupes défavorisés sont confrontés à de nombreuses discriminations. Par conséquent, la mobilité sociale que l'égalité des chances d'accès à l'enseignement supérieur est censée assurer n'est pas réalisée. 

Les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur sont fortement liées au statut socio-économique. Les étudiants issus de milieux aisés ont plus de chances d'accéder aux établissements d'enseignement supérieur que ceux issus de classes économiques défavorisées. Par exemple, en France, selon l'Observatoire national de la vie étudiante, en 2016, 32,4 % des étudiants inscrits étaient des enfants de parents ayant des positions socialement valorisées, alors que seulement 2,3 % des étudiants avaient des parents issus d'une profession agricole. Cette distinction est encore plus importante lorsqu'on s'intéresse aux établissements prestigieux et sélectifs. De plus, ces étudiants issus de milieux privilégiés ont accès à des ressources éducatives de plus en plus qualitatives qui renforcent encore leurs capacités. 

Le genre est une autre variable qui a un impact sur l'accès à l'enseignement supérieur. Les femmes restent généralement sous-représentées dans le système d'enseignement supérieur. En Inde, par exemple, les femmes ne constituent qu'environ 40% du total des inscriptions d'étudiants dans l'enseignement supérieur (2015). Au Cameroun, les femmes représentent 23,44 % de l'ensemble du personnel universitaire (2018).

De même, les minorités ethniques, raciales et religieuses sont généralement sous-représentées dans l'enseignement supérieur par rapport à leur proportion dans l'ensemble de la population. Par exemple, aux États-Unis d'Amérique, selon le Conseil américain de l'enseignement supérieur, les étudiants blancs représentent 60% de l'ensemble des étudiants de l'enseignement supérieur, tandis que les étudiants hispaniques sont 10,2% et les Amérindiens 0,9%. 

Les personnes handicapées doivent également relever de nombreux défis pour accéder à l'enseignement supérieur. Être reconnu comme handicapé·e, accéder physiquement aux bâtiments, obtenir des dispositions particulières pour les examens ou accéder aux informations de la bibliothèque font partie des principaux obstacles rencontrés.

Depuis 2018, L’Initiative pour le Droit à l’éducation (RTE pour son sigle en anglais) et la Clinique de l'École de droit de Sciences Po collaborent sur un projet axé sur le suivi des inégalités d'accès à l'enseignement supérieur en France. Sous la supervision de l'équipe de RTE et des professeurs de la Clinique, des étudiants de première année de troisième cycle ont mené une étude sur les impacts du lieu d'origine des étudiants sur leur accès à l'enseignement supérieur. 

L'étude a été publiée dans un rapport intitulé Le droit à l'enseignement supérieur en France : impact du lieu d'origine et du coût sur les inégalités. Elle conclut que l'une des inégalités les plus répandues dans le système d'enseignement supérieur français est liée à l'origine géographique des étudiants. En raison de la manière dont le système d'enseignement supérieur public est construit, l'affectation universitaire dépend fortement de la provenance des étudiants. Selon le type d'études choisi par les futurs étudiants, leurs chances d'entrer à l'université peuvent augmenter ou diminuer en fonction de leur lieu de résidence et/ou d'origine et de leur parcours scolaire. Par exemple, 8 étudiants de Polytechnique sur 10, la meilleure école d'ingénieurs française, proviennent des mêmes 10 lycées et 6 d'entre eux sont situés à Paris, la capitale française, ou à proximité. La distance géographique à l'université est également associée négativement à la probabilité de s'inscrire dans un établissement d’enseignement supérieur. Les étudiants issus de zones rurales éloignées des établissements d'enseignement supérieur ont moins de chances de s'inscrire et doivent faire face aux frais indirects de l'enseignement supérieur tels que le coût du déménagement et du logement. 

En effet, les inégalités territoriales sont accrues car il y a généralement un regroupement des établissements d'enseignement hautement qualifiés dans les grandes villes. Les universités sélectives et prestigieuses sont donc polarisées dans les métropoles. Comme il est plus difficile pour les étudiants venant des zones rurales de rejoindre ces villes, ils doivent faire face à des obstacles et des coûts supplémentaires pour accéder à un enseignement de qualité. Le rapport souligne le fait que les frais d'inscription et les coûts indirects qui en découlent constituent une barrière supplémentaire à la réalisation du droit à l'enseignement supérieur. En fait, la capacité financière à supporter en les coûts indirects devient un critère de sélection pour un étudiant aspirant à l'enseignement supérieur. Un étudiant peut choisir une école spécifique parce qu'il ne peut pas se permettre de payer les coûts indirects de la vie dans une grande ville. Ainsi, les inégalités territoriales et socio-économiques sont interconnectées et se renforcent mutuellement : les inégalités territoriales augmentent la ségrégation socio-économique des étudiants.

Pour plus d'informations sur l'étude, consultez notre document de politique intitulé

L'impact du lieu d'origine sur les inégalités dans l'enseignement supérieur en France. Voir aussi : L'enseignement supérieur en France : Pourquoi les inégalités territoriales comptent et Les inégalités territoriales affectant l'égalité des chances dans l'enseignement supérieur en France

En 2021, nous avons commencé à explorer l'impact de la Covid-19 sur l'enseignement supérieur français. Nos constats sont présentés dans la série d’articles de blogs en six parties : "Impact de la Covid-19 sur l'enseignement supérieur: le point de vue des étudiants ".

L'enseignement supérieur doit être rendu également accessible à tous par tous les moyens appropriés, notamment par l'instauration progressive de la gratuité. Malgré cette disposition, les dépenses publiques mondiales ont diminué et les sources privées représentent en moyenne environ un tiers des dépenses consacrées aux établissements d'enseignement supérieur. Selon le rapport Regards sur l'éducation de l'OCDE (2020), entre 2015 et 2017, les dépenses publiques pour l'enseignement supérieur en pourcentage du PIB ont diminué en moyenne de 5,1 % dans les pays de l'OCDE, le Chili, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Australie représentant les pays où les investissements privés dans l'enseignement supérieur sont les plus importants.

Dépenses totales pour des établissements d'enseignement en pourcentage du PIB, par source de financement (2017).

Source: OCDE, Regards sur l’éducation, 2020.

Dans la région de l'Amérique latine et des Caraïbes, c'est le secteur privé qui a donné l'impulsion à l'expansion rapide de l'enseignement supérieur dans les années 2000: la part de marché des établissements d'enseignement supérieur privés dans la région est passée de 43 % à 50 % entre le début des années 2000 et 2013 ; le Brésil, le Mexique et l'Argentine étant les pays où le nombre d'établissements d'enseignement supérieur privés a le plus augmenté.

Évolution du nombre d'Enseignements Supérieurs publics et privés, Amérique latine et Caraïbes, vers 2000-13.

Source: Banque mondiale, À la croisée des chemins: l'enseignement supérieur en Amérique latine et dans les Caraïbes, 2017.

L'allocation du budget au financement de l'enseignement supérieur est une décision politique. En raison de la pression accrue pour réduire les impôts et alléger les budgets publics, de plus en plus de pays transfèrent la charge des coûts de l'enseignement supérieur du gouvernement aux étudiants. L'enseignement supérieur est de plus en plus considéré comme un investissement générant des rendements privés et publics, mais pas nécessairement comme une priorité sociale. Les politiques de financement sont alors conçues pour cibler les secteurs de l'enseignement supérieur présentant les taux de rendement les plus élevés, avec par exemple un système sélectif de bourses d'études. 

Simultanément, les efforts visant à décentraliser la gestion publique de l'enseignement supérieur ont encouragé le développement des écoles privées. L'Institute For Higher Education Policy a souligné le fait que la privatisation pousse les institutions à fonctionner selon les lois du marché pour répondre aux demandes des consommateurs, menaçant parfois la culture académique traditionnelle et même la qualité de l'enseignement. En outre, la privatisation de l'enseignement supérieur entraîne une augmentation des coûts alors que, selon le droit international, il devrait être progressivement gratuit. Le coût de l'enseignement supérieur varie beaucoup d'un pays à l'autre : gratuit dans 40 pays du monde comme l'Allemagne ou le Brésil, il peut s'élever à plusieurs centaines de dollars en Belgique, en Colombie ou en France et atteindre des milliers de dollars aux États-Unis, où la dette moyenne des étudiants diplômés en 2016 s'élève à 37 000 dollars

L'augmentation des coûts d'accès à l'enseignement supérieur oblige un nombre croissant d'étudiants à recourir à des prêts. Le fardeau de la dette liée aux prêts étudiants met au défi les pays développés et en développement. Alors que les gouvernements accumulent des niveaux sans précédent de dette fédérale totale au titre des prêts étudiants (près de 1 300 milliards de dollars aux États-Unis en 2019, près de 100 milliards de dollars au Royaume-Uni en 2017), les étudiants supportent le coût de la dette pendant des années et nombre d'entre eux ne parviennent pas à la rembourser (États-Unis : 14 % des 7 millions d'emprunteurs sont en défaut de paiement). Aux États-Unis, la dette des étudiants a augmenté de 107 % en une décennie.

Consultez notre page web sur la privatisation de l'éducation pour plus d'informations sur cette question.

La reconnaissance des diplômes est une question majeure concernant l'enseignement supérieur, notamment parce que nous vivons dans un monde globalisé où la mobilité académique devient la norme. La reconnaissance d'un diplôme étranger désigne la reconnaissance officielle par une autorité compétente de la valeur du certificat. Cette reconnaissance permet au titulaire du diplôme de jouir des mêmes droits que les nationaux qui possèdent un diplôme comparable. Par conséquent, la reconnaissance des diplômes est cruciale pour reconnaître les droits des migrants à accéder à l'enseignement supérieur et/ou à l'emploi.

Le cadre juridique de la reconnaissance des diplômes englobe des accords bilatéraux et des conventions internationales. D'une part, par le biais de traités, les pays acceptent de reconnaître les diplômes de leurs étudiants communs. Par exemple, la Suisse a signé différents accords bilatéraux sur la reconnaissance des diplômes avec l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie. D'autre part, d'importantes initiatives ont été prises par des organisations internationales pour créer des conventions internationales sur la reconnaissance des diplômes, comme la Convention mondiale de l'UNESCO de 2019 sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur, ainsi que des conventions régionales comme la Convention régionale Asie-Pacifique de 2011 sur la reconnaissance des titres de l'enseignement supérieur. Ces conventions facilitent la demande de reconnaissance et soutiennent la mobilité des étudiants ainsi que la coopération internationale.

Certains pays affichent de bonnes pratiques en matière de reconnaissance des qualifications des réfugiés. Toutefois, des difficultés subsistent pour les étudiants au moment d’accéder aux établissements d'enseignement supérieur étrangers et d’obtenir la reconnaissance de leurs diplômes. L'un des principaux obstacles est la méconnaissance des possibilités existant dans le pays de résidence pour faire reconnaître les qualifications. En effet, les informations peuvent être difficiles d'accès pour les étrangers qui ne sont pas habitués au système national, ou dont les compétences linguistiques sont insuffisantes. De plus, la structure du système de reconnaissance peut rendre son accès difficile pour les individus. Selon l'OCDE, "le processus souvent complexe et les nombreux acteurs impliqués" font partie des raisons pour lesquelles peu d'immigrants font reconnaître leurs diplômes. En effet, les procédures de validation des diplômes étrangers sont strictes, faites de processus bureaucratiques compliqués et peuvent durer plusieurs mois. Les frais directs et indirects constituent un autre obstacle économique important à la reconnaissance pour les étudiants immigrés. Le traitement de la demande de reconnaissance du diplôme implique généralement des coûts tels que la traduction et les frais de dossier. Il peut également inclure la nécessité d'études ou de formations complémentaires : en Norvège, par exemple, les immigrants doivent suivre 300 heures de formation linguistique à leurs frais.

Des obstacles particuliers se présentent pour les étudiants réfugiés qui tentent d'accéder au système d'enseignement supérieur de leur pays d'asile. Les politiques et les programmes aidant les réfugiés à transiter vers le lieu de travail font défaut. En outre, les réfugiés peuvent avoir du mal à fournir les preuves documentaires requises de leurs qualifications, car ils quittent généralement leur pays en urgence. Il a été démontré, par exemple, que les réfugiés au Luxembourg ont peu de chances de réussir à faire reconnaître leurs qualifications. Par conséquent, ils finissent par réintégrer le système éducatif ou par exercer des professions pour lesquelles ils sont surqualifiés.

Cour suprême de l'Inde : Mohini Jain contre Karnataka (1992)

Dans cette affaire, un résident de l'État de l'Uttar Pradesh a contesté une notification émise par le gouvernement du Karnataka qui autorisait les facultés de médecine privées à facturer des frais plus élevés aux étudiants qui n'avaient pas obtenu de "sièges gouvernementaux". La Cour suprême de l'Inde a estimé que la perception d'un "droit de capitation" par les établissements d'enseignement privés violait le droit à l'éducation, tel qu'il découle du droit à la vie et à la dignité humaine, et le droit à une égale protection de la loi. En l'absence d'un droit constitutionnel explicite, la Cour a interprété le droit à l'éducation comme une condition nécessaire à la réalisation du droit à la vie en vertu de l'article 21 de la Constitution indienne. En outre, la Cour a estimé que les institutions privées, agissant en tant qu'agents de l'État, ont le devoir d'assurer l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur et la non-discrimination dans leur prestation.

 

Vous trouverez ci-dessous un aperçu du cadre international relatif aux droits humains qui fait explicitement référence à l'enseignement supérieur, ou à des termes similaires. Il comprend les instruments qui sont contraignants pour les Etats qui les ont ratifiés, comme l'indique l'astérisque qui les suit. Il comprend également des instruments non contraignants qui sont importants pour diverses raisons - par exemple, un instrument non contraignant peut constituer une interprétation faisant autorité qui fournit des conseils aux États concernant la mise en œuvre d'un instrument contraignant; il peut aussi indiquer des pratiques en évolution ou un consensus émergent sur des questions particulières; et/ou être soumis à des processus structurés de suivi et de révision qui offrent un espace de dialogue sur les droits dans la pratique. Pour plus de détails, voir Instruments internationaux - le droit à l'enseignement supérieur.

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