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© African Commission on Human and Peoples' Rights
13 Juin 2019

COMMUNIQUE DE PRESSE (Kampala, Nairobi, Genève - 13 juin 2019)

La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples a adopté hier une résolution historique qui aborde le rôle des acteurs privés dans l'éducation et la santé.

La ‘Résolution relative à l’Obligation des États de réglementer l’implication des acteurs privés dans la fourniture de services de santé et d’éducation’ réaffirme que les États africains sont ‘les garants de la protection et de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier du droit à la santé et à l’éduction sans discrimination, pour lesquels les services publics de qualité jouent un rôle essentiel’. Elle exprime également la préoccupation face à la tendance actuelle des donateurs bilatéraux et des institutions internationales d’exercer‘des pressions de plus en plus fortes sur les États parties pour les amener à privatiser leurs secteurs de la santé et de l’éducation’, au mépris de ces obligations.

Dans ce contexte, la Commission Africaine appelle les États à ‘prendre les mesures stratégiques, institutionnelles et législatives appropriées pour assurer le respect, la protection et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit à la santé et à l’éducation’en adoptant des ‘cadres législatifs et stratégiques pour réglementer l’intervention des acteurs privés dans la fourniture de services sociaux’ et veiller à ce que ‘leur implication se fasse en conformité avec les normes régionales et internationales des droits de l’homme’.

La résolution fait référence et établit des normes conformes aux Principes d’Abidjan sur les obligations des États en matière de droits de l’Homme de fournir un enseignement public et de réglementer la participation du secteur privé dans l’éducation, récemment adoptés.La Commission appelle notamment les États à ‘étudier soigneusement les risques associés à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans les partenariats public-privé, et s’assurer que tous les éventuels accords de partenariat public-privé sont en harmonie avec leurs obligations de droits de l’homme qu’elles soient de fond, de procédure ou de fonctionnement’.

Salima Namusobya, Directrice Exécutive de l'Initiative pour les droits sociaux et économiques (ISER), a déclaré : « Nous avons vu la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels entravée par le développement non-contrôlé et non-réglementé des acteurs privés dans la fourniture de services sociaux, tels que la santé et l’éducation. Le recours croissant des Gouvernements aux écoles et cliniques privées est facilité par la diminution de l’investissement de l’État dans ces services publics essentiels et la croyance aveugle aux solutions de marché. La résolution de la Commission Africaine est un pas important vers la garantie d’une plus grande responsabilisation des États pour la fourniture de services publics de qualité, ainsi qu’ils y sont légalement tenus de le faire en vertu du droit national et international ».

Les recherches menées ces dernières années au niveau mondial et sur le continent africain ont démontré comment l'incapacité des États à investir de manière adéquate dans les services publics, une idéologie pro-marché et la réglementation inadéquate du secteur privé, ont des effets de plus en plus préjudiciables sur les droits de l'Homme : discrimination et ségrégation croissantes dues à des frais inabordables, manque de transparence et de responsabilité, iniquité, mauvaise utilisation des ressources et contrôle des entreprises sur des services essentiels au développement de sociétés ouvertes et justes.

Des chercheurs, universitaires, activistes et organismes de défense des droits de l'Homme ont fourni un cadre solide au cours des dernières années pour analyser et réagir à ce phénomène. En février 2019, plus de 50 experts éminents du monde entier ont adopté en Côte d’Ivoire les Principes d’Abidjan sur le droit à l’éducation qui détaillent les obligations existantes des États en matière de droits de l’Homme dans ce contexte. Dans le domaine de la santé, ISER a lancé en avril 2019, une analyse de la participation du secteur privé à la santé utilisant le cadre des droits de l'Homme.

Sylvain Aubry, Conseiller juridique et en recherche à l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels (GI-ESCR), a déclaré : « Avec cette résolution, la Commission Africaine envoie un message puissant au monde. Elle réaffirme les impératifs inaliénables des droits de l'Homme de fournir des services publics de qualité et de réglementer les acteurs privés, ainsi que l'obligation des États de respecter les normes en matière de droits de l'Homme, telles que les directives détaillées fournies dans les Principes d'Abidjan. Les spécialistes des droits de l'Homme, les activistes et les communautés à travers le continent ont exprimé à maintes reprises qu'une approche de marché des services sociaux n'était pas compatible avec les normes des droits de l'Homme. Nous espérons que les dirigeants africains appliqueront la résolution et qu’elle ouvrira la voie aux autres mécanismes régionaux défense des droits de l’Homme des Nations Unies ».

« Je pense que la résolution est une avancée bienvenue et audacieuse de la part de la Commission Africaine étant donné la faiblesse ou l'absence de réglementation des activités des acteurs privés dans de nombreux pays africains. Cette résolution devient un standard important qui peut être utilisé pour prévenir ou minimiser les impacts négatifs des activités des acteurs privés sur la jouissance des droits socio-économiques. Compte tenu de l'impact des activités des acteurs non-étatiques sur l'accès à l'eau, il est essentiel que les futures orientations de la Commission Africaine sur les acteurs privés traitent davantage que de la santé ou l'éducation. » Ebenezer Durojaye, Institut Dullah Omar.

L’Initiative pour les droits sociaux et économiques, l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels et l’Initiative pour le droit à l’éducation saluent l’engagement pris par la Commission Africaine des droits de l’Homme et des Peuples en faveur de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et espèrent que cela sera suivi de la poursuite de travaux de l'institution sur ces questions. La résolution ainsi que les directives interprétatives fournies par les Principes d’Abidjan constituent une étape majeure dans la mise en place et l’application de cadres réglementaires pour les acteurs privés dans les services sociaux, et renforceront les efforts des gouvernements pour la réglementation des acteurs privés.

Documents 

Contacts 

  • Salima Namusobya (AN),Directrice Exécutive de l'Initiative pour les droits sociaux et économiques (ISER) : dir@iser-uganda.org
  • Sylvain Aubry (FR/AN), Conseiller juridique et en recherche à l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels (GI-ESCR): +254 7 88 28 96 34 / +33 7 81 70 81 96 / sylvain@gi-escr.org
  • Delphine Dorsi (FR/AN/ES), Directrice, Initiative pour le droit à l’éducation : +44 77 06 756 077 / delphine.dorsi@right-to-education.org
  • Prof Ebenezer Durojaye (AN), Chef de projet et Chercheur Senior, Projet sur les droits socio-économiques, Dullah Omar Institute, University of Western Cape : +27 71 918 9056 / edurojaye@uwc.ac.za