1 Octobre 2021

Le 22 Septembre 2021, à l'occasion de la première journée de mobilisation contre la marchandisation de l'éducation, l’Initiative pour le droit à l’éducation et d’autres partenaires dans l’espace francophone, ont co-organisé un webinaire sur la promotion de l'éducation publique et la  réglementation des acteurs privés dans le contexte de la COVID-19, marqué par

une expansion des solutions éducatives numériques. La discussion, qui a regroupé plus d’une centaine de participants, était organisée en amont du 18e Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Djerba les 20 et 21 novembre 2021 et aura principalement pour thème "Connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone"

La discussion a été ouverte par Sylvain Dala, le coordinateur du Réseau Francophone. Il a présenté un état des lieux de la marchandisation et de la privatisation de l’éducation dans le contexte de la crise sanitaire. Il a rappelé que selon l’UNICEF, 1 enfant sur 7 dans le monde a manqué trois quart de de sa scolarité en présentiel depuis le début de la pandémie et indiquant que dans les pays de l’espace francophone ce cycle de fermeture et de suspension de l’éducation en présentielle continue. Les écoles ont essayé d’apporter des solutions numériques pour faire face à ce problème, mais la numérisation de l’éducation a été dominée par des acteurs privés tels Google, Microsoft, Amazon et même les réseaux sociaux qui ont établi des partenariats onéreux avec des acteurs publics de l’éducation. Il a souligné que la pandémie a mis en lumière  les inégalités pré-existantes dans l’accès à l’éducation et dans certains cas les a exacerbées. En Afrique subsaharienne, par exemple, 89% des étudiants n’ont pas d’ordinateur et ceux qui en disposent n’ont majoritairement pas d’accès internet, la solution numérique ne pouvant de fait pas bénéficier à tout le monde.Des représentants de la société civile ont ensuite partagé les expériences et points de vue à partir des réalités qu’ils confrontent.

Olivier TANKEU, du Cameroun, a souligné qu’à l’échelle nationale, les parents préfèrent envoyer leurs enfants aux écoles privées car les établissement publics ne desservent pas tout le territoire, offrent une éducation jugée de mauvaise qualité par rapport aux écoles privées et ne remplissent pas les critères de sécurité que les parents exigent. Le gouvernement avait fait des efforts pour améliorer cela, mais à part la diminution de frais, il n’y a pas eu de progrès sur les autres aspects. Tandis qu’en Côte d’Ivoire, la privatisation de l’éducation nationale est plutôt un choix politique a rapporté Amadou DAHOU du Mouvement Ivoirien des Droits de Homme. Il a informé que l’Etat avait proposé des programmes éducatifs à la radio, mais également établi un contrat avec une entreprise EdTech, ENEZA Education dont il a promu l’offre d’éducation numérique gratuite pour deux semaines sur la télé et la radio nationales, ainsi que sur les voies publiques. Alors que l’offre gratuite était temporaire, la promotion faite par le gouvernement a bénéficié à ces écoles de manière disproportionnée. Alione LOUM de la COSYDEP au Sénégal et Serge BONDEDI de la YMAE en RDC ont fait part de l’importance du plaidoyer qu’ils mènent pour inciter le gouvernement à établir un cadre réglementaire pour les acteurs privés impliqués dans des services d’éducation ,. En RDC, par exemple, l’éducation numérique a été institutionnalisée et les tarifs fixés. Au Niger, Braham MOUMOUNI de l’ASO-EPT a également rapporté que  leur plaidoyer a abouti à une note gouvernementale interdisant l’augmentation des frais scolaires pour les écoles privées. Ces dernières n’opèrent désormais plus dans un vide réglementaire. . Stéphane VIGNEAULT Coordonateur du Mouvement L’école ensemble québécois, a quant à lui souligné que la crise sanitaire a mis en exergue les défaillances d’un système éducatif public qui n’est pas de qualité informant que les élèves socio-économiquement désavantagés  forment la majorité des élèves des écoles publiques qui en temps de pandémie n'ont pas pu continuer leurs missions éducatives proprement.  

Le webinaire fut aussi une opportunité pour les Etats de s’exprimer. AVODAGBE Dèwanou, directeur de cabinet du ministre de l'enseignement primaire et matériel  en Bénin, a fait part des problèmes auxquels l'éducation publique fait face avec la multiplication des écoles privées. Il a indiqué que le gouvernement lutte contre ça en augmentant la qualité de l’éducation publique, en employant des professeurs qualifiés pour améliorer le ratio élèves maîtres dans les écoles publiques par exemple.  

Finalement, Dr. G.R. KABA, représentant de la CONFEMEN a avancé quelques pistes de solutions éducatives numériques qui ont permis une éducation plus inclusive. Notamment l'élaboration de la plateforme Imagin’École qui a été mise en oeuvre dans 10 pays de l’Afrique francophone en partenariat avec l’UNESCO et le MENJS (Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, France) et qui mutualise les ressources éducatives dans une logique d’appui solidaire à la continuité de l’éducation. Ce travail accompagne les projets de recherche qui montrent les impacts du COVID sur l’aggravation des inégalités préexistantes ou les écoles privées, tel le projet MILO (monitoring the impact of COVID on learning outcome). Il a indiqué que même s’il y a une disparité entre l’usage du numérique entre l’Europe et l’Afrique, cela est en train de s'améliorer, informant par exemple que le taux d’usage de la téléphonie mobile est passé de 5% en 2003 à 73% en 2014. Selon lui même si le taux d'accès internet reste limité, l’usage important du smartphone offre des solutions intéressantes pour l'éducation à distance. 

Carole Coupez, Déléguée Générale adjointe chez Solidarité Laïque a conclu le webinaire en soulignant, l’importance de l'éducation en tant que bien commun qui ne peut pas se monnayer, se négocier en fonction du lieu où on réside ou de son statut économique ou social ou en fonction de sa capacité d’utiliser un quelconque outil numérique.