Students, Bridge International Academy, Kenya
Communiqué de presse du 15 Octobre 2015
Des organisations et militants du monde entier ont exprimé leur préoccupation que le gouvernement britannique puisse violer le droit à l'éducation en soutenant le développement d’établissements privés en Afrique et Asie du Sud. Des organisations britanniques et internationales, ainsi que des syndicats d'enseignants ont rejoint les militants de plusieurs pays dont le Kenya, l'Ouganda et le Ghana * afin de condamner l'utilisation accrue de l'argent de l'aide britannique pour soutenir des écoles primaires à but lucratif, en particulier les écoles privées à bas coût qui entretiennent les inégalités, créent de la ségrégation et portant atteinte au droit à l'éducation.
Ces organisations ont soumis un rapport à deux comités des droits de l’Homme des Nations Unies (le Comité sur les droits de l'enfant et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels) évaluant la légalité du soutien du Royaume-Uni aux établissements privés à but lucratif dans les pays en développement par rapport au droit international des droits de l’Homme. Les deux comités sont actuellement en train d'examiner la mise en œuvre des droits de l’Homme par le Royaume-Uni, y compris en tenant compte des rapports soumis. Les experts de chaque Comité se sont réunis en pré-session le 5 Octobre et le 14 Octobre 2015 afin de préparer l’examen officiel du Royaume-Uni qui aura lieu l'année prochaine.
Le rapport, le premier en son genre, conclut qu’en soutenant les écoles privées à but lucratif le Royaume-Uni pourrait violer ses obligations en matière de droits de l’Homme. En effet, les recherches ont démontré que ces établissements :
Outre le fait qu’ils imposent des frais de scolarité, en contradiction avec le droit à une éducation primaire gratuite, sont en fait inabordables pour les familles les plus pauvres.
Créent et consolident des inégalités dans des pays tels que le Ghana, le Kenya et l'Ouganda, et de la discrimination à l’encontre des groupes les plus marginalisés, tels que les filles.
Ne fournissent pas une éducation de qualité. Par exemple, les enseignants des établissements privés à bas coûts ne sont généralement pas qualifiés et mal formés.
Depuis quelques années, le gouvernement britannique a accru le financement d’initiatives du secteur privé en particulier dans le domaine de l’éducation. En 2012, le Département pour le Développement International (DfID) a déclaré: « l'entreprise privée est non seulement un générateur de richesse mais aussi un fournisseur de services de base essentiels », et a appelé en 2013 à « développer de nouveaux partenariats à travers le spectre public-privé ».
Les militants craignent que cela soit purement idéologique, citant les recherches du DfID constatant que « les enseignants des écoles privées sont souvent moins formellement qualifiés, ont de faibles salaires et une faible sécurité de l’emploi » et qu’il est « ambiguë de savoir si les écoles privées atteignent géographiquement les plus pauvres » et « si les pauvres sont en mesure de payer les frais de scolarités de ces établissements privés ». Ces recherches confirment également que « les filles sont moins susceptibles d’accéder aux écoles privées que les garçons ».
Delphine Dorsi du Right to Education Project a souligné que:
«L'éducation est un droit de l’Homme. Les Etats ont l'obligation de veiller à sa pleine réalisation, sur leur territoire mais aussi à l'étranger. Cela comprend l'obligation de soutenir la mise en œuvre d’une éducation gratuite de qualité, et au minimum ne pas entraver les efforts des pays en développement pour assurer une éducation gratuite ».
Sur le développement des acteurs privés dans le domaine de l'éducation en Ouganda, Salima Namusobya de Initiative for Social and Economic Rights in Uganda a déclaré:
"Nous avons effectué des recherches sur l'impact de l’augmentation croissante des acteurs privés dans l'éducation montrant que cela crée et approfondit les inégalités, sans améliorer la qualité de l’éducation. Tant et si bien que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé sa préoccupation en Juin dernier concernant « l'élargissement de l'écart dans l'accès à une éducation de qualité résultant de l'augmentation de l’offre d’enseignement privé ». De ce fait, nous ne comprenons pas pourquoi le Département du Développement International au Royaume Uni soutient des établissements privés à but lucratifs fournissant une éducation de mauvaise qualité, lorsque l’Ouganda a un besoin crucial de fonds pour relever les défis de l’éducation publique, qui accueille les personnes les plus marginalisées ».
David Archer d'ActionAid a déclaré:
«L'éducation représente aujourd'hui une nouvelle frontière pour la privatisation. Tout comme le secteur de l'eau il y a 30 ans, les entreprises multinationales pensent qu'il y a de l’argent à se faire rapidement en investissant dans le secteur de l’éducation. Mais nous savons déjà que cela va porter atteinte au droit des enfants à l'éducation. Cela signifie que l'éducation ne sera plus une force contribuant à assurer une société égalitaire dans la société - puisque le niveau d'éducation que les enfants recevront dépendra de la capacité de leurs parents à payer leur scolarité. Les systèmes éducatifs stratifiés mèneront à des sociétés plus inégalitaires et injustes. Nous estimons que cela est inacceptable, et les gens dans les pays touchés par ce problème estiment que cela est inacceptable. Voilà pourquoi nous publions ce rapport aujourd'hui et demandons au Département du Développement International au Royaume Uni et au Comité Spécial pour le Développement International d’examiner leurs investissements actuels dans ce domaine ».
Nick Dearden de Global Justice Now ajouté:
« Le gouvernement britannique est un chef de file mondial dans l'utilisation de l'argent pour l’aide au développement soutenant la privatisation de l'éducation en l'Afrique et l'Asie. Ils traitent ces continents comme cobayes pour tester un modèle d’éducation qui est également de plus en plus appuyé ici – à savoir la délivrance de l'éducation dans un objectif de profit plutôt que pour répondre à un besoin. Il est choquant que le budget de l'aide au développement soit utilisé pour alimenter les profits des multinationales dans le secteur de l’éducation ».
Enfin, Christine Blower du Syndicat National des Enseignants (National Union of Teachers) a déclaré:
« L'éducation est un droit de l’Homme, un droit civil et un bien public. Rien dans les politiques d'aide au développement du Royaume-Uni ne devrait remettre en cause ce principe. Manifestement, le fait que DfID favorise la privatisation à travers l'Asie et l'Afrique met en péril le droit à une éducation publique gratuite de qualité. Jusqu'à maintenant, nous avons eu des preuves anecdotiques, mais maintenant nous avons des preuves émanant de recherches, démontrant l'ampleur du problème. Cela doit cesser ».
Le rapport sera rendu public le jeudi 15 Octobre 2015, de 10.00-11.30 BST dans les bureaux d'ActionAid, 33-39 Bowling Green Lane, EC1R 0BJ.
Parmi les orateurs confirmés:
Delphine Dorsi (Coordonnateur exécutif, Right to Education Project)
Polly Jones (Responsable des campagnes, Global Justice Now)
Christine Blower (Secrétaire générale, The National Union of Teachers)
Salima Namusobya (Directrice de Initiative for Social and Economic Rights, Uganda, Ouganda)
Sylvia Mbataru (Politique et Plaidoyer législatif, The CRADLE, Kenya)
Ressources
Rapport soumis au CRC: https://shar.es/1urh7q (en anglais)
Rapport soumis au CESCR: https://shar.es/1urhxX (en anglais)
Résumé du rapport: https://shar.es/1uGnEg (en anglais)
Contacts
Delphine Dorsi (Coordonnateur exécutif, Right to Education Project)- delphine.dorsi@right-to-education.org ou +44 77 06 756 077
Sylvain Aubry (Conseiller juridique et politique, The Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights)- sylvain@globalinitiative-escr.org ou +33 7 81 70 81 96
Remarques
* Les rapports ont été soumis aux comités des Nations Unies sur les droits de l'enfant et sur les droits économiques, sociaux et culturels par le Right to Education Project avec le soutien de: ActionAid International, ActionAid UK, the Association of Teachers and Lecturers, the Center for Public Interest Law, Child Rights International Network, the East African Centre for Human Rights, the Eastern Africa Collaboration on Economic, Social and Cultural Rights, the Economic and Social Rights Centre-Hakijamii, Internationale de l’Education, the Federation of Education NGO’s in Uganda, the Ghana National Education Campaign Coalition, la Campagne Mondiale pour l’Education, the Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, Global Justice Now, the Human Rights Advocacy Centre, the Human Rights Network for Journalists, the Initiative for Social and Economic Rights in Uganda, the International Commission of Jurists – Kenyan Section, the Kenya National Union of Teachers, the Kenya Youth Foundation, the Mathare Association, the National Union of Teachers, the Privatisation in Education Research Initiative, the Soweto Forum, the Uganda National Teachers’ Union, the University and College Union and Women Uganda.