29 Septembre 2022

Le 22 Septembre 2022, à l'occasion de la deuxième journée de mobilisation contre la marchandisation de l'éducation, l’Initiative pour le droit à l’éducation et ses partenaires dans l’espace francophone, ont co-organisé un webinaire sur le thème “Etats des lieux de la privatisation de l’éducation en Afrique francophone, regards croisés" qui a regroupé plus de 80 participant·e·s, issues d’organisations de la société civile, de gouvernements et d’institutions internationales.

A cette occasion, Thibaut LAUWERIER, chercheur à l’Université de Genève et coordinateur du Réseau de Recherche Francophone sur la Privatisation de l’éducation (ReFPE), a présenté une synthèse des principaux défis de la privatisation de l’éducation en Afrique francophone sur la base d’une recherche menée par 13 chercheurs du réseau en 2021 et 2022 dans cinq pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Maroc, Niger et Togo). Il a souligné en introduction l’importance d’éviter un discours simpliste sur un sujet complexe et donc de nuancer l’analyse. L’étude fait état:

  • d’une privatisation croissante au pré-scolaire et au secondaire

  • de fortes disparités dans l’offre éducative avec notamment un manque d’écoles publiques en milieu rural et des écoles communautaires de mauvaise qualité

  • d’un choix délibéré pour les plus favorisés et d’une absence choix pour les moins favorisés. Selon leur milieu socio-économique, les familles n’ont pas les mêmes choix.

  • d’un soutien croissant au privé et d’un manque de contrôle de l’Etat

  • d’une absence de données sur le privé alors que celles-ci sont nécessaires

Sur la base de cette étude et à la suite d’échanges lors d’un séminaire organisé à Dakar en juin 2022 avec des institutions nationales et internationales une série de recommandations ont été élaborées sur la base des Principes d’Abidjan et destinées aux politiques éducatives:

  • Assurer un accès à une éducation publique de qualité pour tous

  • Garantir un accès équitable à une offre de qualité à tous les niveaux d’enseignement dans le public ainsi que dans le privé

  • Promouvoir une amélioration des conditions de travail des enseignants du privé

  • Mettre en place une régulation effective de l’offre privée

  • Développer et mettre à disposition des statistiques de qualité et librement accessibles

Des représentants de la société civile, Huguette  RAKOTOARIVONY de la CONAMEPT Madagascar et Assim KONATÉ de Tribune Jeunes pour le Droit au Mali, sont également intervenus pour présenter la synthèse de quatre recherches qui ont été menées au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Madagascar sur la privatisation de l’éducation. Ces regards croisés ont mis en évidence des problèmes communs dans ces quatre pays :

  • des parent·e·s forcé·e·s de choisir l’enseignement privé par manque d’établissements publics 

  • des conditions de travail précaires pour les enseignant·e·s des établissements privés 

  • des frais de scolarité élevés, facteurs d’inégalités socio-économiques et de discrimination 

  • une régulation insuffisante des établissements privés.  

Une personne de l’audience a réagi en indiquant qu’en Algérie “le privé profite des enseignant·e·s de qualité formé·e·s par l’Etat et expérimenté·e·s, en fin de carrière ou retraité·e·s, qui sont obligé·e·s de rejoindre le privé afin de rentabiliser leur fin du mois.”

La discussion a également bénéficié des contributions des représentants du Ministère de l’Éducation nationale du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, respectivement Maguette Sow DIA et Mme Mariam TOURE, qui ont donné un éclairage sur la situation et la régulation des acteurs privés dans leur pays.

Enfin, Guy-Roger KABA, représentant la CONFEMEN, a salué le travail du Réseau francophone contre la marchandisation de l’éducation. Il a souligné que la privatisation de l’éducation est une problématique complexe. Il a également noté que les parents aisés peuvent permettre à leurs enfants de bénéficier d’un soutien scolaire payant ce qui accroît les inégalités sociales. Il a recommandé l’adoption de mesures pour réguler ce phénomène et améliorer les conditions d’apprentissage dans le public. 

Ces interventions ont été suivies d’une discussion avec les participant·e·s.

La vidéo vidéo d’appel à la mobilisation de Madame Aïcha Bah DIALLO, ancienne ministre guinéenne de l’Éducation a été diffusée pour clôturer la première partie du webinaire.

La deuxième partie était consacrée à des ateliers de réflexion autour de trois questions : 

  • Comment renforcer l’offre éducative publique ? 

  • Comment garantir des conditions d'emploi de qualité pour les enseignant.e.s ?

  • Quel contrôle, quelle régulation des établissements privés ?

Delphine DORSI, la Directrice de l’Initiative sur le droit à l’éducation et membre du Comité de pilotage du réseau, a conclu le webinaire en invitant les différents acteurs à continuer la mobilisation autour de la promotion de l’accès à une éducation publique gratuite de qualité pour toutes et tous afin d’éviter le développement d’une éducation à plusieurs vitesses en fonction des moyens des familles.

Des vidéos relatives aux recherches menées par les organisations de la société civile seront diffusées prochainement, outils qui serviront à la mobilisation et au plaidoyer.