Le droit à l'éducation pour les enfants handicapés en Afrique du Sud: l'action de SECTION27 allant des stratégies nationales de recherche et de litige au plaidoyer international

wMargaret Masinga_6420.jpg

© Delwyn Verasamy / Mail & Guardian
Silomo Khumalo and Tim Fish Hodgson - @SECTION27news
14 Avril 2015

Le Département sud-africain de l'éducation de base a indiqué que jusqu'à 489 036 enfants handicapés d'âge scolaire ne sont scolarisés dans aucune école. L'Enquête générale sur les ménages de 2013 indique que parmi les enfants handicapés qui ne fréquentent pas l'école, 67% ont des handicaps graves et devraient donc être placés dans des écoles spécialisées. En ce qui concerne la politique d'éducation inclusive du Ministère, énoncée dans le Education White Paper 6 (Livre blanc 6 sur l'éducation), la scolarisation des enfants handicapés peut se faire dans les écoles ordinaires pour les apprenants modérément handicapés, dans les écoles à service complet qui sont des écoles ordinaires spécialement adaptées et dans les écoles spéciales qui sont exclusivement réservées aux apprenants ayant des handicaps graves. Afin de mettre en œuvre la politique, le gouvernement a adopté une approche progressive dans l'approvisionnement des écoles à besoins spécifiques.

SECTION27 est un centre de droit d'intérêt public qui a la réputation nationale et internationale de défendre et de faire progresser les droits humains en Afrique du Sud. À l'occasion de la séance du Comité des Nations Unies des droits des personnes handicapées, SECTION27 a salué la possibilité de présenter une demande au Comité en soulignant les échecs systématiques du gouvernement sud-africain à mettre en vigueur le droit à l’éducation pour les personnes souffrant de handicaps.

Deux des projets de SECTION27 révèlent l'échec systématique du gouvernement sud-africain à prévoir le droit à l'éducation de base, comme l’envisage la Constitution pour de nombreux enfants handicapés. Cela se reflète dans la lutte pour accéder à l'éducation de base à laquelle sont soumis de nombreux enfants souffrant d’une gamme de handicaps physiques et intellectuels vivant à Manguzi, une communauté profondément rurale et pauvre dans le nord de la province de Kwazulu-Natal, coincée entre les frontières sud-africaines avec le Swaziland et le Mozambique . En outre, dans toutes les écoles pour les apprenants malvoyants en Afrique du Sud, il existe des défis chroniques, au détriment des apprenants, en ce qui concerne l’accès à une éducation significative.

Le droit à l'éducation des apprenants handicapés en Afrique du Sud

La Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) offre à toutes les personnes handicapées le droit à l'éducation. L'Afrique du Sud a ratifié la CDPH sans réserve et elle est donc liée par ses dispositions. L'article 24 de la CDPH, dans l’octroi du droit à l'éducation pour les personnes handicapées, met l'accent sur les principes de non-discrimination et oblige les États parties à réaliser le droit sur la base de l'égalité des chances.

En outre, la Constitution sud africaine donne droit à l'éducation de base à «tous». La Cour constitutionnelle a jugé que le droit à l'éducation de base était un droit «absolu» et qu'il est donc «immédiatement réalisable»; Contrairement à d'autres droits socio-économiques qui sont qualifiés par un devoir de faire des efforts raisonnables, dans la limite des ressources disponibles, vers une mise en oeuvre progressive de ces droits. La référence à tous comprend les enfants handicapés. Conformément à l'approche de la Cour constitutionnelle relative aux droits comme étant interdépendants, cette disposition doit être interprétée de manière cohérente avec les droits à la dignité humaine et à l'égalité inhérents à chaque individu. Dans la recherche de la valeur constitutionnelle de «la réalisation de l'égalité», la Constitution interdit explicitement la discrimination fondée sur le handicap et l'État est tenu de prendre de manière proactive des «mesures législatives et autres» pour prévenir une telle discrimination.

Conformément à ses obligations constitutionnelles, l'Afrique du Sud a promulgué la Schools Act (Loi sur les écoles). La loi rend l'éducation obligatoire pour les enfants âgés de 7 à 15 ans et exige que les fonctionnaires gouvernementaux compétents rendent l’éducation spécialisée à la disposition de tous les enfants handicapés. En outre, le gouvernement a rédigé un document d'orientation - Le Livre blanc 6 sur l'éducation - pour donner effet au droit à l'éducation des personnes handicapées.

L’accès à des écoles spécialisées pour des enfants gravement handicapés à Manguzi

En 2013, SECTION27 a commencé à travailler avec une organisation communautaire pour les personnes handicapées, Siphilisa Isizwa, une Disabled People’s Organisation (DPO) (organisation de défense des personnes handicapées) à Manguzi. Le partenariat a débouché sur la mobilisation de personnes handicapées non scolarisées, en particulier des enfants dans 48 villages. Au début de l’année 2014, SECTION27 et la DPO ont fait une réunion dans le but de recueillir des preuves de l'ampleur du problème de l'accès à l'éducation pour les personnes handicapées dans la région. Environ 150 parents et représentants de personnes ou d'enfants handicapés étaient présents à la réunion. Il a été révélé lors de la réunion que de nombreux enfants handicapés dans la région n'ont reçu aucune forme d'éducation et beaucoup ont passé l'âge d’être scolarisés sans avoir goûté au droit à l'éducation.

Au travers de discussions avec les membres de la communauté et la DPO, SECTION27 a pris connaissance de l'école spécialisée Sisizakele, une école pour les apprenants ayant des handicaps physiques et intellectuels dans laquelle beaucoup de parents avaient tenté d'inscrire leurs enfants. Les parents ont déclaré qu'ils étaient constamment informés par l'école qu’il n'y a pas assez de place pour accueillir leurs enfants à l'école et que ces derniers devraient être placés sur une liste d'attente. L'école en elle-même a initialement été fondée après l'intervention d'un groupe de parents inquiets et de membres de la collectivité, qui ont regroupé leurs ressources limitées et formé l'école. Plus tard, le gouvernement a pris en charge le fonctionnement de l'école. Cependant, cette intervention du gouvernement n’a pas été suffisante pour assurer l’accès des apprenants à la qualité de l'éducation à laquelle la Constitution leur donne droit.

Au début 2014, SECTION27, représentant la DPD et les parents de 17 enfants, a écrit au Département d'éducation du KwaZulu-Natal (KZNDoE) concernant le placement des 17 enfants.

Après une année de correspondance infructueuse avec le KZNDoE, SECTION27 a menacé le litige à la Cour suprême du KwaZulu-Natal en demandant une ordonnance exigeant le placement de 17 enfants spécifiques dans l'école spéciale de Sisizakele en 2015 et l'implantation d'un plan du KZNDoE pour assurer à d’autres apprenants dans la même situation un accès similaire à l’éducation.

Succès et défis

Le KZNDoE a répondu à la pression exercée par SECTION 27 et la DPO. Il a promis le placement des 17 enfants d'ici 2015. En 2015, SECTION27 a appris que 13 de ces 17 apprenants étaient scolarisés dans l'école spécialisée de Sisizakele. Les apprenants restants n'avaient pas encore été accueillis pour diverses raisons. Bien que les litiges aient été évités et 13 des apprenants aient accès à l'éducation, les préoccupations suivantes restent:

  • La DPO informe SECTION27 qu'il existe, à sa connaissance, un groupe de 50 apprenants qui nécessitent un placement dans des écoles spécialisées. Il y a lieu de penser que l’école spécialisée de Sisizakele en elle-même possède une liste d'attente de centaines d'apprenants.
  • L'admission des apprenants à Sisizakele en 2015 a exacerbé une pénurie déjà grave de personnel au sein de l'école. En 2014, 17 postes d'enseignants auraient dû être attribués à l'école, mais celle-ci ne comptait que 8 enseignants. Malgré l'augmentation du niveau d'admission cette année, l'école continue de fonctionner avec 8 enseignants, mais on lui a attribué 4 postes supplémentaires en 2015.
  • Un rapport commandé par SECTION 27 en 2014 sur l'allocation des ressources dans l’éducation spécialisée souligne une diminution de l'allocation budgétaire pour l'éducation spécialisée dans la province, dans un contexte d’augmentations des effectifs et des enseignants à prévoir pour les périodes financières 2015/2016 et 2016/2017.

L'état et la qualité de l'éducation reçue par les étudiants ayant une déficience visuelle dans les "écoles spécialisées"

Selon le Ministère sud-africain de l’éducation de base, en 2013, 2 495 malvoyants et 1307 enfants aveugles recevaient une éducation spécialisée dans des écoles spéciales en Afrique du Sud.

À la fin de l’année 2014 et au début de l’année 2015, SECTION27 a mené des visites sur le terrain et des entretiens téléphoniques avec les 22 écoles spécialisées pour enfants atteints de déficience visuelle en Afrique du Sud. Ces visites ont dévoilé les échecs du gouvernement à respecter son obligation constitutionnelle d'accorder un accès significatif au droit à l'éducation pour les apprenants malvoyants. L’exposé de SECTION27 au Comité met en évidence les difficultés suivantes auxquelles sont confrontés les apprenants malvoyants au moment d’accéder à une éducation de base de qualité dans des écoles spéciales:

  • Matériel de soutien didactique aux enseignantes et enseignants: disponibilité limitée des manuels scolaires, cahiers d'exercices et guides pédagogiques en formats accessibles, y compris en braille et en gros caractères. En raison d'un processus d'appel d'offres défectueux en 2012, il n'existe actuellement aucun manuel scolaire disponible pour la grande majorité des écoles.
  • Capacité des éducateurs: Beaucoup de professeurs dans les écoles pour les apprenants malvoyants ne sont pas alphabétisés en Braille, que ce soit en Braille de base ou en Braille abrégé. Les enseignants sont nommés dans les écoles par un processus de redéploiement qui ne requiert aucune expertise dans le domaine de l'éducation des apprenants malvoyants, et la plupart des ministères provinciaux de l'éducation ne dispensent aucune formation aux enseignants, et ils sont forcés d'acquérir des compétences spécialisées sur leur lieu de travail.
  • Mise à disposition du personnel: il existe un grave problème de pénurie de personnel tant pour les enseignants que pour le personnel non enseignant indispensable, comme les assistants de classe et les responsables de foyer pour les étudiants logés dans des foyers.
  • Instruction relative à l’orientation et la mobilité: les apprenants ayant une déficience visuelle dans de nombreuses écoles n'ont pas accès à une formation relative à l'orientation et à la mobilité, ce qui est primordial pour leur éducation et leur indépendance. Les apprenants apprennent donc à s’orienter en «se cognant et en chutant».
  • Dispositifs d'aide: certaines écoles n'ont pas accès à des équipements de base tels que des machines à écrire en braille et des ordinateurs avec un logiciel approprié pour les personnes malvoyantes. Il y a des défis importants en ce qui concerne l'adaptation et la transcription en braille de certains examens normalisés et de documents de test. De nombreuses écoles rapportent que les examens obligatoires et les documents d'examen arrivent en retard et / ou sont imprimés. Il en résulte que les apprenants malvoyants ne passent pas certaines évaluations normalisées, à leur détriment, ou ils passent des examens dans des circonstances qui ne sont pas idéales, avec des enseignants qui leur lisent les questions, par exemple.

Conclusion: défis systémiques à l'accès à l'éducation

Beaucoup de problèmes rencontrés par les écoles pour enfants handicapés dans tout le pays sont les conséquences d'échecs systémiques dans les ministères provinciaux et nationaux de l'éducation et sont donc des symptômes de problèmes structurels plus importants. Par exemple, la pénurie de personnel enseignant et non enseignant est un problème chronique dans les écoles pour apprenants handicapés et est flagrante dans les deux études de cas détaillées dans l’exposé de SECTION27.

Ces problèmes persistants dans les écoles à besoins spécifiques peuvent être partiellement attribués à l'approche progressive constitutionnellement inadéquate du gouvernement dans l'approvisionnement des écoles à besoins spécifiques, au lieu de comprendre le droit à l'éducation de base comme immédiatement réalisable. Un autre problème est l'incertitude au sein des écoles et des ministères d'éducation eux-mêmes concernant le rôle des écoles spécialisées au sein du système scolaire envisagé par la politique d'éducation inclusive du ministère national. Cette incertitude est, en partie, due à l'ambiguïté de la politique, mais, comme le révèle la publication de SECTION27, est fortement exacerbé par le manque général d'expertise au sein des ministères de l'éducation en ce qui concerne l'éducation des apprenants handicapés.

 Silomo Khumalo est membre de Students for Law and Social Justice Research à SECTION27. Silomo est titulaire d'une licence en sciences sociales avec une spécialisation en sociologie et études juridiques, une licence en droit et un diplôme avec mention en politique publique de l'Université du KwaZulu-Natal. Au cours de sa vie d’étudiant, il a participé à des organisations militantes en faveur des droits humains et a oeuvré à la défense des personnes handicapées. Silomo est passionné par le droit constitutionnel et les politiques publiques et espère consacrer sa carrière aux droit humains pour aider à la transformation de l'Afrique du Sud. Silomo est totalement aveugle.

Tim Fish Hodgson est chercheur juridique à SECTION27. Il détient une maîtrise de l'Université du Michigan (2013) et une licence de l'Université de Cape Town (2010). Dans le passé, il a également complété une licence en sciences commerciales à UCT (2008). Après avoir obtenu sa licence, Tim a consacré une année productive comme assistant juridique auprès du juge Zakeria Yacoob à la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud. Inspiré par le potentiel de la Constitution à être utilisée comme outil pour la réalisation de la justice sociale, de la dignité et de l'égalité, Tim prévoit de consacrer sa carrière juridique à la contribution au projet de transformation en Afrique du Sud. Tim est passionné par la connaissance constitutionnelle et désire participer à la transformation de notre démocratie constitutionnelle jeune et dynamique.

 

 

 

Keywords: 
(If you're a human, don't change the following field)
Your first name.
(If you're a human, don't change the following field)
Your first name.
(If you're a human, don't change the following field)
Your first name.