Le droit à l’éducation des femmes et des filles: espoir d’une action renouvelée

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Fatou L. Juwara, 16 years old, in class, in Gambia
© Sylvain Cherkaoui/Cosmos/ActionAid
Angela Melchiorre
25 Juillet 2014

Alors que je lis un article sur une fille de six ans violée dans son école, je dois avouer que ma confiance en les droits humains et les êtres humains est ébranlée. Ce crime en Inde s'ajoute à une série de violations des droits des filles et des femmes à l'éducation qui a inclus, au cours des trois derniers mois, l’enlèvement de plus de 200 étudiantes nigérianes (dont le destin est encore inconnu) et l'augmentation du mariage précoce des réfugiées syriennes (ce qui s’ajoute à l’endommagement de leur éducation précaire). Combien d'enfants devront souffrir avant que leurs études ne soient effectivement respectées en tant que droit humain? Je me le demande. Sommes-nous tant habitués à des violations, des démentis et des distorsions de droits que nous sommes incapables d'aller au-delà d'une réaction virtuelle, bruyante mais faible? Que faut-il pour passer de la désapprobation, voire du choc et de l'indignation, à des actions concrètes?

La conscience morale de notre société mondiale est bouleversée, les voix parlent, des millions de personnes se mobilisent, mais tout se termine dans un trou noir après quelques jours ou quelques semaines. Il y a très peu,voire aucun, suivi, surveillance ou responsabilité soutenus. Il est en fait assez révélateur que l'une des rares «autorités» qui ait publiquement suivi le cas des filles nigérianes est Malala Yousafzai, elle-même l'une des victimes les plus emblématiques des attaques contre l'éducation. Il me semble que la responsabilité s'efface lentement et laisse place au fatalisme. En voyant des réponses faibles ou même l'inaction de ceux qui ont le pouvoir et le devoir de réparer la situation, je me demande si le système des droits de l'homme tel que nous le connaissons aujourd'hui n'est pas inadapté pour faire face aux violations flagrantes du droit à l'éducation.

Une invitation inattendue à siéger à un panel d'experts à la demi- journée de discussion générale sur le droit des femmes et des filles à l’éducation du Comité CEDAW de l’ONU vient à ma rescousse. Je suis chargée d'un discours d'ouverture sur les droits par le biais de l’éducation, y compris l'accès à des possibilités d'emploi égales et la participation à la vie publique, peut-être le plus ambitieux de tous les sujets présentés ce jour-là. J'offre des suggestions, mais surtout, j'écoute attentivement toutes les contributions, essayant d'effacer mes doutes. Et c'est avec un espoir et une conviction renouvelés que j'écris cette publication. La discussion confirme que le chemin à parcourir est encore long et semé d’embûches, mais elle me persuade aussi que trois facteurs peuvent nous soutenir dans la mobilisation de l'action et dans le changement: sensibilisation, participation et inspiration.

Nous avons clairement fait d'énormes progrès sur l’exposition des violations par le biais de la recherche, du suivi et du plaidoyer. Les données et les récits offerts par tous les intervenants montrent une conscience approfondie des résultats fructueux et des défis restants, dans tous les domaines: de la quantité à la qualité, du contenu aux attitudes, des stéréotypes à la transformation. Les contributions des représentants gouvernementaux, intergouvernementaux et non gouvernementaux sont tout aussi claires en ce qui concerne la mise en évidence d’une plus grande réactivité aux obstacles anciens et nouveaux aux droits des filles et des femmes à l'éducation, qu'il s'agisse de lacunes législatives sur le lien entre l’éducation et le mariage, ou les effets négatifs de la privatisation ou même l’absence de toilettes séparées. Cette conscience solide et répandue doit maintenant se traduire par des actions concrètes et des solutions tangibles: de l’identification du problème à la résolution du problème. 

Ce qui m'amène au deuxième facteur: une participation significative. Le fait que l'événement ait suscité un vif intérêt de tous les milieux et offert des présentations de haute qualité faisant porter plusieurs voix réunies dans une demande unifiée pour des efforts plus durables, notamment en soutenant les mesures législatives avec des changements sociétaux et des mécanismes de responsabilisation plus clairs, montre à quel point une implication large peut être décisive. Des exemples dans la discussion démontrent également que, lorsque les filles et les femmes participent à la prise de décision, les résultats sont efficaces et durables. La participation de toutes les parties prenantes n'est pas seulement un principe fondamental des droits humains, mais aussi une pratique de plus en plus courante qui devrait être maintenue et améliorée en permanence. Que cela se passe également au cœur du système international des droits humains des organes conventionnels, par nature le cœur du suivi et du dialogue avec les autorités étatiques, ne peut être qu'un nouveau signe encourageant d'espoir et de volonté d'intensifier les efforts.

Ce n'est certes pas un processus facile et les systèmes de protection locaux, nationaux, régionaux et internationaux du droit à l'éducation peuvent être fastidieux, lents ou frustrants. Cependant, les complications peuvent être surmontées en s'inspirant des difficultés et en regardant de manière créative les solutions possibles. Dans les défis, il y a des opportunités; la complexité offre en fait une multitude de points d'accès pour le changement. Les deux discours de Mme Hanna Godefa, Ambassadeur national de l'UNICEF en Éthiopie, et Mme Mariam Khalique, une des enseignantes de Malala, en disent long sur la manière de briser l'injustice et l'inégalité, sur «comment penser, planifier et agir différemment» envers et contre tout. Et des exemples d'États tels que la  Slovénie, la Colombie ou le Sierra Leone offrent d'autres encouragements tangibles.

Ainsi, il se peut que le système des droits humains tel que nous le connaissons aujourd'hui ne soit toujours pas adapté pour gérer de la manière la plus efficace le droit des filles et des femmes à l'éducation. Néanmoins, il établit des normes auxquelles les États doivent se conformer, il offre des conseils clairs et, dans certains cas, il écoute et souhaite agir en effet, comme l'a indiqué Mme Barbara Bailey, présidente du groupe de travail de la CEDAW sur le droit des filles et des femmes à l'éducation, lorsqu'elle a invité tous les participants à aider le Comité à "donner corps à la perspective et à ce que cette perspective devienne réalité.”

En parlant de perspective, j'aimerais conclure avec une citation de Mme Navi Pillay, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, également présente lors de la réunion: «si une aile est brisée, personne ne peut voler». Cela m'a immédiatement rappelé un entretien du père de Malala, lui-même éducateur. Interrogé sur ce qu'il a fait pour rendre sa fille si forte, il a répondu: "Ne me demandez pas ce que j'ai fait; Demandez-moi ce que je n'ai pas fait. Je n'ai pas coupé ses ailes." Quel puissant exemple de sensibilisation, de participation et d'inspiration!

Angela Melchiorre est membre du Network of Advisers (Réseau de conseillers) pour le Right to Education Project. Basée à Venise, en Italie, elle aime concevoir et offrir, tant en personne que par le biais d'un apprentissage mixte, des activités éducatives qui combinent la théorie et la pratique relative aux droits humains. Actuellement travailleuse indépendante, elle a précédemment occupé le poste de directrice de programme de la maîtrise européenne en droits de l'homme et démocratisation à l'EIUC à Venise, en Italie; de coordinatrice de recherche pour le Right to Education Project; maître de conférences en droits humains à l'Institut des études du Commonwealth de l’université de Londres; et d’experte en droits humains pour la Mission permanente de l’Italie à l'ONU, à Genève et à New York. Angela est l'auteure de “At what age... are school-children employed, married and taken to court?” («À quel âge ... les enfants des écoles sont-ils employés, sont-ils mariés et amenés devant les tribunaux?») Comme dérivé de cette recherche, elle a écrit sa thèse sur l'âge minimum pour le mariage et la CDE.

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