Les étudiants au temps du COVID-19 : la génération sacrifiée ?
Student sleeping on laptop at desk
La crise du COVID-19 a bouleversé tous les aspects de la vie quotidienne. Un des défis qui résulte de ce bouleversement est d’assurer la continuité des objectifs fondamentaux des systèmes d’enseignement supérieur. La vie des étudiants a changé, de nouveaux enjeux sont apparus et de nouvelles pratiques se sont développées.
En raison du grand nombre de personnes qu’elles rassemblent, les universités sont dans l’obligation de prendre des mesures spéciales et d’adapter leur mode de fonctionnement pour ralentir la propagation du virus tout en assurant la continuité de l’enseignement. De nombreux établissements ont ainsi décidé de fermer leurs campus, d’annuler les cours en présentiel et de passer à l’enseignement en ligne. Par exemple, dans une enquête* menée en avril 2020 par l’Association internationale des universités auprès de plus de 424 établissements d’enseignement supérieur basés dans 109 pays, 67 % des établissements interrogés ont déclaré avoir remplacé les cours en classe par les cours en ligne :
Ces changements ont soulevé plusieurs défis quant au respect du droit à l’enseignement supérieur, en termes d’accessibilité, de discrimination, d’égalité et de qualité. De plus en plus de témoignages révèlent l’état de détresse psychologique dans laquelle se trouvent les étudiants en raison de la crise du COVID-19, et du fait de son impact sur leur vie étudiante actuelle ainsi que sur leur future vie professionnelle.
En effet, la capacité des étudiants à suivre les cours et à réussir leurs études a beaucoup souffert de la crise sanitaire, tout comme leur motivation à se lever chaque matin pour étudier seuls devant un ordinateur toute la journée. Dans le contexte de la pandémie, de plus en plus de personnes souffrent de troubles psychosociaux, mais les étudiants sont affectés de manière disproportionnée par cette détresse parce qu’ils sont particulièrement isolés. La crise du COVID-19 a également exacerbé les inégalités existantes, plongeant parfois les étudiants dans des difficultés économiques extrêmes ; certains d’entre eux n’étant plus en mesure de se nourrir ou d’accéder aux soins médicaux.
Du fait de la nature de l’apprentissage en ligne, certains étudiants ont développé un complexe d’infériorité, un sentiment d’imposture, car ils font des études sans vraiment être en cours, et redoutent ainsi de manquer de crédibilité* dans leur avenir professionnel. La vie sous le COVID-19 n’épargne aucun étudiant. Il n’y a pas de différenciation entre le temps de l’étude et le temps pour soi et, pour de nombreux étudiants, les deux sont réduits à une vie solitaire et monotone, jour après jour.
Pourtant, la crise du COVID-19 a également créé des opportunités. La solidarité, l’innovation et le dépassement des barrières géographiques font partie des changements positifs qui sont en train de se produire au sein de l’enseignement supérieur*. Certains enseignants ont souligné les opportunités* qui sont apparues dans cette nouvelle ère, telles que la possibilité d’inviter des conférenciers du monde entier, ou d’apprendre de manière plus autonome et flexible. Cependant, les retombées négatives de la pandémie (sur l’inégalité, la santé mentale, la recherche de stage et la mobilité académique) l’emportent probablement sur les changements positifs, surtout si on prend en compte les effets du contrecoup de la pandémie sur les établissements d’enseignement supérieur : nécessité d’investir dans de nouvelles technologies, de former des professeurs, de gérer une logistique radicalement nouvelle ou de surveiller la santé des élèves* pour comptabiliser les cas de COVID.
Pour faire face à la réalité à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants, un grand nombre de mouvements étudiants importants se sont créés pour défendre leurs droits en tant qu’êtres humains et en tant qu’étudiants. Partout dans le monde, les acteurs et les défenseurs de l’éducation ont uni leurs forces pour protéger l’éducation. Cet élan de solidarité, bâti sur une multitude d’expériences partagées, a renouvelé l’espoir et la motivation des étudiants, mais ne diminue en rien leur sentiment d’être la génération sacrifiée.
* La source d’information n’est disponible qu’en anglais.
Cet article est le premier d’une série de six articles intitulée : « Impact du COVID-19 sur l’enseignement supérieur : la perspective des étudiants », qui fait état de l’impact de la pandémie sur l’enseignement supérieur. À travers les témoignages de Sasha, Iris, Fiona, Quentin et d’autres, nous vous invitons à explorer les aspects principaux des expériences des étudiants, leurs difficultés, leur détresse et leurs doutes, en plus des défis auxquels sont confrontés les enseignants et le personnel universitaire. Cette série d’articles s’inscrit dans un projet d’enquête plus large de la Clinique de l'École de droit de Sciences Po sur les inégalités dans l’enseignement supérieur en France. La rédaction de cette série est chapeautée par Elodie Faïd, Fiona Vanston et Inès Girard (voir photo ci-dessous), trois étudiantes en Master Droits de l’Homme et action humanitaire à Sciences Po Paris et qui travaillent avec le Right to Education Initiative.
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« Impact du COVID-19 sur l’enseignement supérieur : la perspective des étudiants »
- 1. Les étudiants au temps du COVID-19 : la génération sacrifiée ?
- 2. Les difficultés techniques liées au COVID-19 : la montée des inégalités dans l’enseignement supérieur
- 3. Que se passe-t-il lorsque les « meilleures années de votre vie » sont en réalité les plus difficiles ?
- 4. Privé de sortie : l’impact du COVID-19 sur les échanges universitaires
- 5. Santé mentale : la pandémie silencieuse dans l’enseignement supérieur
- 6. « Tous mes revenus ont disparu du jour au lendemain » : précarité financière des étudiants pendant la pandémie