Mineurs non accompagnés sans école : l’Etat français doit agir pour les protéger et les scolariser

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© 2020 Solidarité Laïque
Laure Fletcher
28 Août 2020

La rentrée scolaire approche et les mineurs non accompagnés en sont les grands oubliés :  nombres d’entre eux ne rejoindront pas les bancs de l’école au 1er septembre. Le point sur cette situation de non-droit inacceptable au pays des droits de l’Homme. 

L’accès à l’éducation est un droit fondamental pour tous, la France s’est engagée à le respecter notamment pour les mineurs par la ratification de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE). Malgré la célébration en 2019 du 30ème anniversaire de la CIDE, les engagements de la France à protéger tout mineur ou présumé mineur sur son territoire sont mis au ban. Nombreux sont ceux aujourd’hui qui attendent une décision de justice, pendant ce temps d’attente ils ne sont ni à l’école ni mis à l’abri, leur présomption de minorité n’est pas respectée.  

“toute personne qui affirme être un enfant soit traitée comme tel”

Comité des droits de l’enfant et des travailleurs migrants - Observation générale conjointe no 3 et no 22, para. 32(h). 

La présomption de minorité non respectée 

L’évaluation de la minorité est une étape importante dans le processus de demande d’asile des mineurs non accompagnés : elle détermine s’ils bénéficieront ou non d’une protection. 

La société civile, dont la Cimade, a alerté sur la non fiabilité de ces évaluations. Des mineurs n’ayant pas eu une évaluation de qualité peuvent se retrouver injustement à la rue, sans protection ni accès à l’école. A Paris, la mise en place du camp Jules Ferry, squat de fortune de centaines d’adolescents, a surtout mis en évidence la précarité que subissent ces présumés mineurs à défaut d’alerter les autorités sur cette carence de protection 

Lorsque qu’un jeune n’est pas reconnu mineur, il a le droit de contester la décision et de faire un recours. Durant cette période, la présomption de minorité fait loi. Le comité d’experts de la CIDE rappelle dans une décision qu’il “est donc impératif qu’il y ait une procédure équitable pour déterminer l’âge d’une personne, et qu’il y ait la possibilité de contester le résultat obtenu par le biais d’une procédure judiciaire. Pendant que ce processus est en cours, la personne doit se voir accorder le bénéfice du doute et être traitée comme un enfant” (CRC/C/81/D/16/2017, §12.3). 

Protéger et scolariser : l’Etat doit prendre ses responsabilités

De fait, même en cas de non reconnaissance de minorité, l’Etat devrait prendre en charge la protection et l’éducation d’un présumé mineur jusqu’à ce que la justice prenne une décision. 

Malgré l’espoir de voir un jour l’Etat prendre ses responsabilités et intégrer ces mineurs dans le système éducatif national comme ils devraient l’être, des associations locales telles que Droit à l'École à Paris les accompagnent à la scolarisation et à la préparation du test de langue française et de positionnement (par un CASNAV). Le test mesure les acquis initiaux des élèves allophones nouvellement arrivés, dans leur langue d’origine et en français : cela permet de leur proposer des parcours scolaires correspondant le mieux à leurs connaissances et compétences, et d’être affecté à un établissement scolaire.

Mais encore  faut-il qu’ils soient ensuite affectés dans un établissement scolaire, une pratique qui est loin d’être systématique !

La jurisprudence en faveur du droit à l’éducation 

De nombreux cas de jurisprudence rappellent qu’un doute sur la minorité ne constitue pas un argument suffisant pour refuser la scolarité à un mineur. La scolarisation de mineurs non accompagnés doit être respectée, même en cas de refus de prise en charge par l’ASE (Aide sociale à l’enfance). Il est également rappelé que le recteur a le devoir d’affecter un mineur ayant passé un test de positionnement (Casnav), et cela quelle que soit sa nationalité ou sa situation administrative. 

Zéro pointé pour certains départements

Même en cas de reconnaissance de minorité, la responsabilité des départements à la prise en charge de ces mineurs est parfois mise à mal. La Mission Mineur Non Accompagné, relevant de la DPJJ (Direction de la protection judiciaire de la jeunesse) a ainsi rendu un rapport en 2019 qui met en évidence des disparités départementales des pratiques d’accueil des mineurs non accompagnés. Il est reconnu que, dans certains cas, les départements ne respectent pas les décisions judiciaires ordonnant le placement du mineur. Une situation qui mène à une multiplication des recours contentieux, au titre du non-respect des droits fondamentaux, le plus souvent pour défaut d’hébergement et de scolarisation. 

Ces problématiques sont particulièrement alarmantes dans le département de Mayotte. Le Défenseur des droits a récemment rendu un rapport faisant état du manque d’engagement de l’Etat français à faire respecter le droit à l’éducation sur son territoire.   

Mineurs ou présumés mineurs doivent faire leur rentrée 2020-2021. Solidarité Laïque, auquel se joint RTE, aux côtés de plusieurs collectifs de la société civile, demande donc que quels que soit la nationalité et/ou le statut migratoire de ces mineurs, l’Etat prenne ses responsabilités et respecte le droit à l’éducation, le principe de non-discrimination et la présomption de minorité auquel il s’attache. Dès cette rentrée, nous demandons que l’Etat mette en oeuvre une protection immédiate et agisse pour scolariser tous les mineurs non accompagnés mineurs ou présumés mineurs. 

Bientôt diplômée d’un master en coopération internationale en éducation et formation à Paris Descartes, Laure Fletcher travaille à RTE et Solidarité Laïque en tant que stagiaire sur les questions de droit à l’éducation en contexte de migration. Elle a été impliquée dans plusieurs projets associatifs sur l’éducation des migrants, à Paris avec les mineurs non accompagnés ou encore dans un camp de réfugiés à Athènes en tant qu'éducatrice dans une école maternelle informelle. 

 
 
 
 
 
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