Ayman Qwaider - @aymanqwaider
30 Mai 2014

Je m'appelle Ayman Qwaider. J'ai 27 ans, je suis né et j'ai grandi dans la Bande de Gaza. J'ai été chanceux d'étudier en Espagne et aujourd'hui je vis en Australie, avec ma femme Sameeha qui a récemment eu une bourse pour une admission en Doctorat à Perth. Je suis de mon côté en Doctorat de politiques éducatives et réformes sociales. Notre rêve de poursuivre des études dans l'enseignement supérieur est devenu réalité après avoir été confrontés à de nombreux obstacles. Cependant, beaucoup d'autres étudiants palestiniens de Gaza font ce même rêve et ne le verront probablement jamais se réaliser.

La Bande de Gaza, qui fait 378km2, se situe sur la côte méditerranéenne et fait partie de la Palestine. Elle a pour frontière Israël à l'est et au nord et l'Egypte au sud. La population est estimée à 1.8 millions d'habitants. 65% de cette population a moins de 25 ans et il y a plus d'un million de réfugiés enregistrés par les Nations Unies. La majorité d'entre eux vit dans des camps répartis dans tout Gaza. J'ai moi-même été élevé dans les ruelles du camp de réfugiés de Nuseirat.

A Gaza, les autorités israéliennes d'occupation maintiennent un contrôle rigoureux sur tous les aspects de la vie quotidienne. Depuis 2007, un blocus hermétique a été imposé par l'Egypte et Israël, limitant non seulement la circulation des marchandises mais aussi des individus. Cette restriction de la liberté de mouvement des Palestiniens a un impact sur le jouissement de nos droits, y compris notre droit à l'enseignement.

Au cours des sept dernières années de ce blocus qui a encore lieu à Gaza, la qualité de l'enseignement s'est sévèrement détériorée. Les établissements scolaires sont en mauvais état. L'équipement éducatif, comme les livres neufs, ne peut pas être importé (lien en anglais), affectant la qualité de l'enseignement délivré aux élèves de Gaza. De plus, le Ministère de l'Education à Gaza et les organisations internationales dans le domaine pensent qu'il est difficile d'investir dans la construction de nouvelles écoles ou la réparation des locaux endommagés, étant donné qu'Israël continue d'interdire l'entrée de matériaux de construction à Gaza. Cette situation de crise s'est dernièrement aggravée avec les deux opérations militaires israéliennes menées à Gaza durant l'hiver 2008-2009 et en décembre 2012.   

Plus de 280 écoles ont été soit totalement détruites, soit partiellement endommagées au cours de l'opération Plomb Durci et doivent encore à ce jour être reconstruites ou réhabilitées. Une grande partie de ces écoles manquent de sanitaires, de canalisations d'eau et d'équipement pour les classes: bureaux, chaises, manuels, stylos... D'après le Ministère de l'Education Nationale à Gaza, environ 80% des écoles de Gaza fonctionnent par roulement pour accueillir un nombre croissant d'élèves.

Le contrôle des frontières empêche la circulation des étudiants gazaouis mais aussi du corps enseignant voyageant depuis et vers Gaza. Les professeurs ne peuvent pas voyager à l'étranger pour suivre des formations et les enseignants étrangers ne peuvent pas entrer à Gaza. Cela a des conséquences négatives sur la qualité de l'enseignement. Déjà bien avant le blocus qui a démarré en 2007 et depuis la Seconde Intifada en 2000, le recrutement de professeurs étrangers a diminué. Par conséquent, les étudiants palestiniens ne peuvent pas être mis face à d'autres perspectives et manières de penser. Cela a un impact sur les capacités de recherches des étudiants et le corps enseignant est affecté.

En outre, la restriction de la liberté de circulation des étudiants a des conséquences sur leur droit à recevoir un enseignement dans le supérieur. Il y a quatre universités principales à Gaza. Cependant, de nombreux diplômes ne sont pas proposés par ces universités. Ces cursus sont proposés en Cisjordanie ou dans les universités à l'étranger. Mais la restriction de liberté de mouvement des étudiants de Gaza signifie qu'ils se voient de facto empêchés de choisir ce qu'ils étudient. Par ailleurs, les universités de Gaza offrent seulement un nombre limité de diplômes post-licence.

Les étudiants des universités de Gaza sont extrêmement isolés, étant donné qu'il est presque impossible pour eux de quitter Gaza afin de poursuivre des études dans l'enseignement supérieur au sein des universités de Cisjordanie ou à l'étranger. La politique d'occupation israélienne consistant à séparer la Palestine unifiée (Cisjordanie et Bande de Gaza) a rendu l'enseignement pratiquement inaccessible. Pour entrer en Cisjordanie, un étudiant de la Bande de Gaza doit demander des autorisations auprès des autorités d'occupation israéliennes. Ces permis sont seulement délivrés à certaines catégories de personnes comme les humanitaires ou les employés de structures internationales. Leur durée est limitée, on parle de jours et non de semaines. En 2012, le journal israélien Haaretz (lien en anglais) a rapporté qu'entre 2000 et 2012, seulement trois Palestiniens de Gaza ont été autorisés à étudier dans des universités de Cisjordanie. Dans ces trois cas, le gouvernement américain est intervenu car c'est le gouvernement américain qui avait accordé des bourses.

La restriction de liberté de mouvement est un obstacle important pour les étudiants palestiniens de Gaza. En 2010, j'ai eu une bourse de la Fondation Caja Castellón-Bancaja afin de poursuivre un Master en études de paix, Conflits et Développement à l'Université de Jaume en Espagne, un diplôme qui n'est pas proposé dans les universités de Gaza. Malgré le fait que je possédais tous les papiers nécessaires, incluant une lettre d'admission de l'université, un visa d'étudiant pour l'Espagne et mes billets d'avion, je n'ai pas pu sortir de Gaza, comme plusieurs centaines d'autres étudiants ayant reçu une bourse. L'année de Master a débuté sans moi. J'ai demandé l'aide de structures officielles comme l'ambassade d'Espagne au Caire et à Tel Aviv, Amnesty International et même le Parlement Européen. Toutes mes tentatives ont échoué. Les médias sociaux ont représenté ma dernière chance pour revendiquer mon droit à l'éducation.

J'ai écrit un article sur mon blog intitulé « I have a dream » (j'ai un rêve, article en anglais) posant une question fondamentale: Pourquoi suis-je privé de mon droit élémentaire, du droit à l'éducation? J'ai aussi mobilisé les gens en utilisant Facebook et à travers une pétition en ligne, j'ai débuté une campagne médiatique avec l'aide du groupe israélien des droits de l'homme et des libertés Gisha, qui tente de soutenir légalement les Palestiniens revendiquant leur liberté de circulation depuis et vers Gaza. L'article du blog, qui a été repris par l'agence de presse espagnole au Moyen-Orient, a amené la publication d'innombrables articles dans la presse locale espagnole. La campagne médiatique basée sur les droits de l'Homme a finalement porté ses fruits et a fait pression sur les autorités israéliennes d'occupation afin de me délivrer l'autorisation de transit pour voyager depuis Gaza vers l'Espagne, en passant par Israël afin de voler à partir de l'aéroport international de Amman, en Jordanie. J'ai eu la chance d'utiliser mes compétences et mon réseau pour quitter Gaza. Mais des centaines d'étudiants sont laissés de côté, sans possibilité de jouir de leur droit à l'éducation en raison de la fermeture continue des frontières de Gaza.

Quatre ans plus tard, en avril 2014, l'épisode s'est répété. Mon épouse, Sameeha Olwan, a eu une bourse d'étude pour suivre son Doctorat en littérature comparative et écriture créative en Australie et je devais terminer mes recherches pour mon Doctorat. Bien que Sameeha et moi ayons en notre possession tous les documents demandés et nos visas pour quitter Gazèrent, traverser les frontières a encore été un véritable challenge. A nouveau nous avons sollicité le groupe israélien des droits de l'Homme et des libertés Gisha pour nous aider. Cependant, nous n'avons pas eu d'autorisation de passage, et ce sans raison particulière. Par conséquent, grâce au soutien d'un journaliste et ami australien, nous avons fait appel au Consulat d'Australie afin qu'il intervienne. Les procédures administratives sont des obstacles pour presque tous les étudiants de Gaza qui doivent demander des permis pour franchir les points de passages.

L'opportunité d'étudier hors de Gaza m'a ouvert les portes d'un monde nouveau et différent. Cela m'a aussi permis de partager mes expériences personnelle et professionnelle avec mes camarades qui viennent de cultures et de pays différents. De plus, étudier à l'étranger m'a donné la chance de découvrir divers types d'enseignements, ce qui n'aurait jamais pu se passer à Gaza en raison des vastes restrictions dans le domaine. Etudier à l'étranger est aussi un exercice de développement et de découverte de soi. Tout cela devrait m'aider à jouer un rôle plus constructif au sein de ma communauté. Il est fondamental pour le développement de Gaza que ses étudiants puissent jouir de ce droit à l'éducation.

Sameeha et moi avons eu la chance d'être des étudiants ayant réussi à quitter Gaza afin de poursuivre des études supérieures. Cependant, des centaines d'étudiants sont encore bloqués aux frontières, aux points de contrôle pour sortir de Gaza, privés de leur liberté de circuler et leur droit à l'éducation.

© Youssef Al-Eila - Gaza

 

Ayman Qwaider, 28 ans, est né et à grandit dans la Bande de Gaza. Ayman a complété un Master international en études de paix, Conflits et Développement en Espagne. Il vit désormais en Australie avec sa femme, Sameeha, qui a récemment reçu une bourse doctorale à Perth, Australie. Ayman est actuellement en train de faire son doctorat sur les politiques éducatives et la réforme sociale.

Commentaires

my friend Ayman hase summrised it all. I failed to leave the Open-air prison about six times for Master.

Thanks Mohammed for your comments. I agree with you. Everyone of us should believe in his/her right to education, struggle and fight to obtain it. A human-right based approach advocacy campaign would always put pressure on military groups, occupation.....

We are proud of you my friend
you encourage other youth to do the same to fight for their rights to mobility and education

For more information about the right to education in Palestine, see the resources available on our website

Also, it may be helpful to note that several human rights organizations such as the Gaza-based Palestine Centre for Human Rights and the Centre For Freedom of Movement, Gisha, support the Palestinian students to realize their right to education in the context of occupation.

See as well Right to Education Campaign - Birzeit University and Fakhoora

Dear Ayman, my good friend. Thank you for sharing a little of the many complexities that students and learners, families and teachers, are facing in Gaza.
It will be interesting to see what happens in the coming months, with the promised joint efforts of Hamas and Fatah: to work together and to govern together. How will this affect the access and quality of the education system, and the freedom of academic movement. Because one thing you do not touch so much upon, is the enormous consequence brought upon the education system in Gaza by utter mismanagement and misplaced ideology by Hamas (and similarly by Fatah in the West Bank). Many problems stem from corruption and inefficiency, and lack of oversight/demands by donors and the international community. This is partly due to the political game to 'divide-and-rule' orchestrated by the occupying force (Israel), but we cant let the Palestinian Authority off the hook either.
Another interesting issue that you bring out is the power of social media and campaigning. You demonstrate this power by recounting your own story and that of your wife, for traveling to Spain and Australia. Fascinating stuff! But I wonder if one could reflect a little more on how to make it a more generalized social-media advocacy campaign, made by and for Gazan students and bloggers, online and thus transcending the walls and barbed wire. What initiatives are there and how they be up-scaled, if necessary? What support is needed from outside? From inside? How can it connect to the ongoing Boycot, Disinvestment and Sanctions campaign against Israel? How can it join an electronic intifada? What are the dangers and what are the possible gains, apart from the enormous potential for dialogue and for Gazans feeling recognized and heard?
Thanks again for you personal and professional courage and for sharing your story. Peter

Having known Ayman in Paris I think his innate creative brilliance and morality
has been most exceptional. As a Lebanesse Arab with universal values, I am very
proud of Ayman and his inspiring spirit which inspires others and am sure he will continue to innovate and lead in the mutual search for a peaceful and just world, for the Palestinian people and humanity as a whole.

Very sad to read the situation of Gazan students but on the other hand, your efforts are really bucked up rather they are very inspirational efforts for other students too. I am from Pakistan, lecurer at an international qualifications' professional institute. After reading your article and the voice of need that Palestinian students are raising, I wish I could helped them. If you feel feasible and appropriate, we can discuss it and can try with good efforts for other Gazan students too. I hope our efforts will prove fruitful for some other student. Insha Allah. Please email me directly on shaheerriaz91@gmail.com rather replying here. Good luck to you and your wife, wish you all bright future.

The borders to Israel are closed by Israel, but the borders to Egypt? And what is the Hamas position in education - especially women?

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