Une mère de Manguzi dans la partie nord du KwaZulu Natal a raconté à SECTION27 l’histoire de son fils de 17 ans, Siyabonga Dlamini, qui n’a jamais été scolarisé parce qu’il est sourd et n’a jamais eu l’opportunité d’apprendre le langage des signes. Cet enfant a été inscrit sur une liste d’attente pour une école spécialisée lorsqu’il avait 8 ans mais à l’âge de 12 ans il a été refusé car il était trop âgé. Depuis 17 ans Siyabonga est assis chez lui sans pouvoir communiquer avec personne hormis en pointant du doigt, alors qu’au niveau intellectuel il est parfaitement capable d’apprendre et de contribuer à la société. Ce n’était là qu’une des histoires inquiétantes que nous avons entendues lorsque nous nous sommes penchés sur la situation de l’éducation inclusive dans le district de Umkhanyakude.
En 2014, SECTION27 a pris connaissance de 17 élèves non-scolarisés souffrant de divers types de handicap dans le district de Umkhanyakude. Cela nous a incité à travailler dans le district et nous a amenés à découvrir un système n’incluant pas les enfants souffrant de handicaps divers, tel que le souligne notre rapport Too many children left behind (Trop d’enfants négligés). Ce rapport examine en détail la situation des écoles spécialisées ou polyvalentes dans le nord de KwaZulu Natal.
Les apprenants que nous avons rencontrés, ou dont nous avons entendu parler, souffrent de divers handicaps et sont confrontés à un grand nombre d’obstacles. Certains avaient réussi à être admis à l’école mais ont souhaité partager avec nous les défis auxquels ils étaient confrontés au sein des systèmes scolaires.
Lorsque nous avons commencé à travailler dans cette région, notre intention était simple: faire entrer ces apprenants dans une école spécialisée adaptée à leurs besoins. Nous avons d’abord écrit au ministère de l’éducation du KwaZulu-Natal, en sachant que si nécessaire nous pourrions le poursuivre en justice pour garantir l’admission de ces apprenants. le South African Schools Act de 1996 stipule clairement que tous les enfants âgés entre 7 et 15 ans doivent être scolarisés et de graves conséquences pèsent sur ceux qui s’y opposent. Cet élément de la loi est affirmé dans la section 29(1)(a) de la Constitution sud africaine qui indique que toute personne a le droit à une éducation de base, et dans la section 9 qui condamne la discrimination fondée sur un handicap. Le ministère est parvenu à un accord avec SECTION27 et a admis ces apprenants dans l’école spécialisée de Sisizakele dans le district.
Suite à l’admission des apprenants, nous avons gardé le contact avec les enseignants de Sisizakele ainsi que les ergothérapeutes employés dans les hôpitaux étatiques de la région. Grâce à eux, et à l’organisation de défense des droits des personnes handicapées Siphilisa Isizwe, nous nous sommes rendus compte que l’étendue du problème allait bien au-delà qu’un groupe d’apprenants non-scolarisés. Il existe en fait un grand nombre d’apprenants handicapés non-scolarisés dans le district et des obstacles inimaginables à une éducation de qualité dans ces écoles une fois que les apprenants sont admis.
Au cours des années 2015 et 2016, une équipe de SECTION27 dirigée par Silomo Khumalo et Tim Fish Hodgson a rencontré presque 100 personnes s’occupant d’enfants et d’adultes handicapés, dont les droits à une éducation de base n’avaient pas été respectés à cause de leur handicap. Nous avons découvert que les 17 enfants qui avaient été placés ne représentaient qu’une petite partie d’une longue liste d’attente pour l’école spécialisée de Sisizekele, et que d’autres écoles spécialisées de la région avaient des listes d’attentes de la même longueur.
Nous avons aussi appris suite à notre visite à l’école et à la rencontre avec les apprenants que l’infrastructure de l’école spécialisée de Sisizekele pouvait accueillir beaucoup plus d’apprenants que ceux admis, et que les problèmes liés à la capacité étaient largement dus à une affectation insuffisante du personnel enseignant et non enseignant.
Au même moment, SECTION27 a commencé à réfléchir davantage à l’éducation inclusive, sur ce qu’elle signifie et ce qu’elle implique. Le ministère de l’éducation a publié White Paper 6 en 2001 qui prévoyait la mise en oeuvre d’un enseignement inclusif dans les écoles d’Afrique du Sud d’ici 20 ans. Cela demande un renforcement de la structure des écoles spécialisées et la conversion des écoles ordinaires en écoles polyvalentes, pour pouvoir répondre aux besoins d’apprentissage plus élevés. Toutes les écoles ordinaires devraient être en mesure d’accueillir des apprenants handicapés physiques mais n’ayant pas de besoins éducatifs plus élevés.
Dans cette optique, l’équipe a visité chacune des trois écoles spécialisées et des onze écoles polyvalentes dans le district afin d’évaluer les obstacles à l’accès à ces écoles. Nous avons trouvé des écoles souffrant d’un besoin urgent de fournitures de services basiques, de meilleure infrastructure, et d’accès aux moyens de transport pour leurs élèves. Nous y avons rencontré des groupes d’enseignants qui excellaient malgré les conditions des écoles, mais aussi des enseignants qui n’étaient pas suffisamment formés, sans assistance nécessaire, enseignant un programme indifférencié à un énorme groupe d’apprenants.
Le rapport de SECTION27 compare ces réalités auxquelles sont confrontées les écoles, les apprenants et les enfants non-scolarisés du district avec le cadre politique et juridique, 15 ans après le début du programme sur 20 ans du White Paper 6.
La recherche a dévoilé que de nombreux apprenants souffrant d’un handicap n’avaient aucun accès à l’école. Cela est dû en partie à une pénurie d’écoles pouvant accueillir ces apprenants, et partiellement parce que les parents ne savent pas toujours que leurs enfants peuvent recevoir une éducation ou ne sont pas toujours conscients que leurs enfants ont droit à une éducation de base. Il est évident que le ministère doit concentrer ses campagnes d’accès à l’école sur la communication avec les parents d’apprenants avec des besoins spécifiques. Mais le système scolaire lui-même doit changer considérablement pour que tous les apprenants puissent accéder équitablement à l’éducation.
Par exemple, nous avons appris qu’il n’existe qu’une école dans tout le district où les apprenants souffrant d’un handicap sont accueillis au lycée. Il existe 14 écoles dans le district pouvant accueillir des apprenants du niveau primaire, et seulement une de celles-ci accueille des élèves au niveau secondaire. Ce seul lycée est une école polyvalente et a donc un espace limité pour les apprenants, et a tendance à ne pas accepter les apprenants qui ne viennent pas directement de son école primaire. Cela signifie que la plupart des apprenants n’ont pas la possibilité de passer les examens du National Senior Certificate et n’ont donc pratiquement aucune chance d’obtenir un emploi. Le district semble avoir pris une décision sans fondement sur ce dont ces apprenants sont capables et ne leur donnera même pas l’opportunité de prouver le contraire. Ce sentiment se répète dans chacune de nos observations.
Il est difficile d’imaginer un groupe de personnes plus vulnérable dans notre pays. Des enfants comme Siyabonga sont encore plus marginalisés par un système censé les protéger. Il est temps d’opérer des changements systémiques dans le droit à une éducation inclusive. Nous espérons que ce rapport aidera à contribuer à cela.
Ce n’est pas son vrai nom.
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Kate Paterson détient une licence (Hons) de l'Université de Rhodes et une licence en droit de l'Université du Witwatersrand. Elle est avocate et travaille sur le droit à une éducation de base à SECTION27, un centre de droit d'intérêt public en Afrique du Sud.
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Wow how inspring
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