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La mise en oeuvre par le Pakistan de la Convention relative aux droits de l’enfant, qu’il a ratifié en 1990, a récemment été examinée par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. L’État partie était représenté par une délégation de onze personnes, dont un ministre fédéral et l’ambassadeur du Pakistan aux Nations Unies.
Pour l’examen, la Pakistan Coalition for Education (Coalition du Pakistan pour l’éducation) et sept organisations de la société civile, conjointement avec des partenaires internationaux tels que Asia South Pacific Association for Basic and Adult Education (ASPBAE) et the Global Initiatives for Economic, Social and Cultural Rights (GIESCR) ont soumis des rapports parallèles sur des enjeux fondamentaux relatifs au droit à l’éducation.
Le Comité, composé d’experts en matière de droits de l’enfant et informés moyennant notre rapport parallèle, a questionné le Pakistan sur son absence de législation pour mettre en oeuvre le droit à une éducation obligatoire dans la province de Khyber Pakhtunkhwa et dans les territoires de Gilgit-Baltistan et du Cachemire, et l’application insuffisante de la législation relative au droit à l’éducation dans les provinces où une telle législation existe. Le Comité a aussi exprimé sa préoccupation concernant la privatisation de l’éducation et en particulier, l’absence de mesures pour garantir le respect par les écoles privées des normes minimales en matière d’enseignement, d’exigences en termes de programmes et de compétences pour les enseignants. Toujours en lien avec les enjeux cités ci-dessus, le Comité a exprimé sa préoccupation concernant le niveau extrêmement bas du budget alloué à l’éducation.
Il est important de souligner que le secteur de l’éducation au Pakistan est l’un des plus négligés en termes de pourcentage du PIB alloué. Si l’objectif de développement durable actuel concernant l’éducation est atteint, le budget alloué à l’éducation devrait alors à peu près tripler.De plus, le secteur privé reçoit carte blanche et est même subventionné par le gouvernement dans le cadre d’un effort visant à une accélération des inscriptions. Compte tenu d’une telle mise en oeuvre agressive des politiques de privatisation, le sort de la plupart des enfants défavorisés qui n’ont pas accès à un enseignement public de qualité constitue une préoccupation urgente en ce qui concerne les droits humains. Et il semblerait que le Comité soit d’accord avec cela.
En tant que représentant de la société civile pakistanaise, j’ai eu l’opportunité de me rendre à la session et de discuter de manière informelle avec des membres du Comité et la délégation de l’État et j’ai alors des observations variées concernant cette expérience dans son intégralité.
Cela a été un succès pour la Pakistan Coalition for Education et nos partenaires nationaux et internationaux d’avoir pu persuader efficacement le Comité de poser des questions aussi pertinentes à partir de notre rapport parallèle soumis pour la session. Cependant, malgré la gravité des enjeux, les réponses que nous avons obtenues de l’État partie étaient évasives et, dans certains cas presque précaires.
La session a commencé avec le président Mezmur qui a assuré à la délégation pakistanaise que l’examen ne constituait pas une inquisition mais était plus un dialogue dans un cadre amical. Cependant, la délégation a d’emblée semblé sur la défensive. À plusieurs occasions le Comité a constaté que la délégation déformait les faits et les chiffres. Le conseiller d’éducation du ministère fédéral d’éducation et formation ne pouvait pas répondre de manière adéquate aux questions concernant l’allocation insuffisante des ressources pour l’éducation et la privatisation inconditionnelle menant à une discrimination et une ségrégation dans la société. Au lieu de cela, il a reproché à la “ guerre contre le terrorisme” et aux talibans d’avoir mis le Pakistan dans cette situation. Le ministre des droits humains, M. Zafarullah, a aussi soutenu que les lois relatives au droit à l’éducation avaient été adoptées dans toutes les provinces, ce qui n’est manifestement pas vrai, tel que le Comité l’a clairement indiqué dans ses observations finales.
En général, la délégation pakistanaise s’est montrée blasée vis à vis de l’examen, et le représentant permanent à l’ONU a souvent assisté à des vas et vient entre la session et d’autres engagements. Le ministre fédéral des droits humains, Barrister Zafrullah, a aussi reproché à plusieurs reprises aux ONG nationales de ne pas coopérer avec le gouvernement et leur a attribué la responsabilité de nombreux problèmes dans les secteurs social et du développement. De tels commentaires de la délégations de l’État reflètent une méfiance fortement ancrée envers les ONG nationales et une approche passive vis à vis du secteur social. Le Comité a lui aussi été inquiet à ce propos, soulignant dans ses observations finales que: “la coopération avec la société civile est limitée et des restrictions seraient imposées à certaines organisations non-gouvernementales.”
Tout cela a soulevé des doutes importants sur l’engagement du Pakistan vis à vis du droit à l’éducation, à sa coopération avec la société civile pour garantir la mise en oeuvre effective du droit à l’éducation, et sa volonté à coopérer avec les Nations Unies et d’être tenu responsable de ses obligations juridiques auxquelles il a consenti de son plein gré en ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant.
L’attitude blasée du Pakistan a été parfaitement résumée par une remarque désinvolte faite par un membre haut placé de la délégation: “...l’éducation est très bonne au Pakistan - donc ne vous inquiétez pas!”
Nida Mushtaq est une coordonnatrice de la recherche avec la Pakistan Coalition for Education (PCE).Actuellement, elle est impliquée dans une étude de suivi budgétaire déterminant si les écoles reçoivent de l’argent au Pakistan et la privatisation de l’éducation.
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