«’Les situations d’urgence’ affectant l’éducation sont définies comme étant toutes situations dans lesquelles des désastres naturels ou provoqués par l’homme détruisent, sur une courte période, les conditions de vie habituelles, les établissements scolaires et les structures de garde pour les enfants et  de ce fait perturbent, ne permettent pas, gênent les progrès ou retardent la mise en œuvre du droit à l’éducation. De telles situations peuvent notamment être causées par des conflits armés - aussi bien internationaux, incluant donc l’occupation militaire, que non-internationaux- des situations post-conflit et tous les types de catastrophes naturelles» («Report of the Committee on the Rights of the Child on its General Discussion on the Right of the Child to Education in Emergencies Situation», 2008 – en anglais uniquement).

L’éducation est un droit de l’Homme et doit être garantie et protégée pour tous, à tout moment. Cependant, lors de situations d’urgence, les États rencontrent souvent des difficultés à garantir et protéger les droits de l’Homme des individus, particulièrement le droit des personnes venant de groupes déjà marginalisés, tel que c’est le cas pour les personnes handicapées. Cela peut être dû à une perte de pouvoir et au non-droit qui s’ensuit, à la destruction des infrastructures  ou à la réorientation des ressources. Dans tous les cas, les situations d’urgence conduisent à l’augmentation de la probabilité de violation du droit à l’éducation. Il est donc important que le droit international et la communauté internationale agissent pour améliorer et minimiser les effets nuisibles des situations d’urgence.

Lors de situations d’urgence, les lois relatives aux droits de l’Homme s’appliquent dans tous les contextes; les personnes ne perdent pas leurs droits à cause des conflits, de la famine ou de catastrophes naturelles. Cependant, en fonction de la nature de l’urgence, différents régimes de droit international s’appliquent. En ce qui concerne le droit à l’éducation, ces régimes sont: le droit international relatif aux droits de l’Homme,  le droit international humanitaire (ou droit des conflits armés), le droit international relatif aux réfugiés et le droit pénal international.

Voir les accordéons ci-dessous pour plus d’information, voir aussi «Protecting Education in Insecurity and Armed conflict: An International Law Handbook» (en anglais uniquement) pour une vue d’ensemble complète sur la loi applicable lors de conflits et dans un climat d’insécurité. 

Les droits de l’Homme sont étroitement liés et interdépendants, et chacun devrait pouvoir en jouir intégralement. Cependant, l’éducation est souvent négligée dans les situations d’urgence dans la mesure où elle n’est pas perçue comme immédiatement vitale. Pourtant, la valeur de l’éducation pour les personnes affectées par des situations d’urgence ne devrait pas être sous-estimée et est systématiquement soulignée par les parents et les élèves eux-mêmes comme un élément crucial conduisant à la stabilité, la protection affective et physique, et  la continuité. (Voir la vidéo de l’INEE sur l’importance de l’éducation dans la réponse humanitaire - en anglais uniquement)

L’éducation est un droit en tant que tel. Elle permet le plein développement et l’épanouissement de tous les hommes - ce qui est particulièrement pertinent lors de situations d’urgence. De plus, l’éducation peut aussi jouer un rôle essentiel dans l’aide à la réparation des sinistres et les efforts de consolidation de la paix après un conflit. L’éducation peut aider à la réinsertion sociale des enfants soldats, des déplacés internes, des réfugiés et de tous ceux affectés par les situations d’urgence et elle permet aussi de surmonter les effets négatifs que les situations d’urgence peuvent avoir sur les personnes.

Les écoles peuvent fournir des espaces sûrs pour les enfants afin qu’ils nouent des amitiés, qu’ils jouent et qu’ils apprennent. De plus, l’éducation responsabilise les élèves en leur donnant une voix, un espace sûr pour partager leurs sentiments et leurs inquiétudes.

Par ailleurs, l’éducation peut jouer un rôle préventif. Les droits de l’Homme relatifs à l’éducation permettent aux personnes de reconnaitre qu’ils détiennent des droits et qu’ils doivent respecter les droits des autres.  L’éducation à la paix et à la citoyenneté responsable peut certainement promouvoir la paix et la tolérance envers autrui. Les conflits interviennent souvent lorsque l’éducation a été détournée, avec, par exemple, une discrimination systématique, des programmes biaisés, une incitation à la haine  -ce qui contribue à des tensions croissantes. Il a été prouvé que cela pourrait être minimisé en assurant une éducation de qualité, par des efforts concertés pour enseigner les valeurs humaines, et en utilisant l’éducation comme outil dans les efforts de rétablissement de la paix. Pour plus d’informations, voir la page de l’INEE sur l’éducation tenant compte des situations de conflit .

L’éducation est vitale pour construire une paix et un développement durables. 

Le droit à l’éducation est protégé essentiellement par le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits de l’enfant. De plus, il existe un nombre de traités protégeant le droit à l’éducation dans différents contextes, lieux et pour différentes catégories de personnes (voir la page du Right to Education Project sur le droit international).  

Certains aspects du droit à l’éducation ne sont pas susceptibles de dérogation, par exemple, quelles que soient les circonstances, les États doivent s’acquitter de leurs obligations fondamentales minimales concernant le droit à l’éducation. Cela inclut d’assurer le droit d’accès aux programmes et établissements publics d’enseignement sur la base de la non-discrimination, ainsi qu’à une éducation primaire gratuite et obligatoire. Cependant, l’aptitude de l’État à garantir le droit à l’éducation peut être compromis durant les situations d’urgence. Dans de tels cas, d’autres acteurs (l’ONU, les ONG, d’autres États, etc.) peuvent fournir de l’aide en leur facilitant l’exercice du droit à l’éducation.  

Le droit international humanitaire cherche à limiter les effets des conflits armés en réglementant le comportement des parties.  
 
Les conflits armés ont souvent un impact dévastateur sur l’éducation. Les effets dévastateurs peuvent notamment inclure des attaques de professeurs, étudiants et écoles; une sécurité compromise; des risques plus élevés d’endoctrinement et de discrimination par les parties impliquées dans le conflit armé telles que les puissances occupantes; des ressources disponibles réduites et une prévalence accrue de pratiques telles que le travail des enfants, les enfants soldats et la violence sexiste.
 
L’éducation est principalement protégée dans le droit humanitaire international par les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels. Les obligations clés incluent: 
 
  • La protection des civils et des biens civils dont les écoles, les professeurs et les élèves. Cela s’appuie sur le principe de distinction selon lequel il y a une différence fondamentale entre les civils et biens civils et les militaires et biens militaires et seuls les militaires et biens militaires peuvent être attaqués (Les hôpitaux ne devraient jamais être utilisés comme base militaire mais dans certaines circonstances les écoles peuvent l’être - articles 48 et 51, Protocole additionnel 1; article 13, Protocole additionnel 2).

  • La protection des orphelins et des enfants séparés de leurs familles. Cela inclut que l’éducation soit facilitée aux enfants de quinze ans et moins (article 24 de la Convention de Genève IV).

  • Durant les internements des civils, la Puissance détentrice assurera l’éducation des enfants et des adolescents soit à l’intérieur, soit à l’extérieur des lieux d’internement. Toutes les facilités possibles seront accordées aux internés afin de leur permettre de poursuivre leurs études ou d'en entreprendre de nouvelles, se livrer à des exercices physiques, de participer à des sports et à des jeux en plein air. (article 94 de la Convention de Genève IV).

  • La protection spéciale des enfants, et cela inclut l’obligation des parties du conflit à fournir aux enfants l’attention et aide dont ils ont besoin, en raison de leur âge ou pour tout autre raison. Cela peut être interprété par l’obligation à inclure une éducation appropriée (article 77 de la Convention de Genève IV). 

  • Lors d’occupations de guerre, la Puissance occupante facilitera le bon fonctionnement des établissements consacrés  à l'éducation des enfants et  fera assurer l’éducation, si possible, par des personnes de la nationalité, langue et religion de l’élève (article 50 de la Convention de Genève IV).

  • Lors de guerres civiles, les enfants devront recevoir une éducation, y compris une éducation religieuse et morale, telle que la désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en ont la garde (article 4, Protocole additionnel 2).

 

Bien que le droit relatif aux réfugiés coïncide largement avec les droits de l'Homme et le droit humanitaire, il y a un régime spécial qui protège complètement la situation particulière et les droits des refugiés.

 

Selon la Convention relative au statut des réfugiés, le terme «réfugié» s'applique à toute personne  qui, «...craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».

 

Selon l'article 22 de la Convention relative au statut des réfugiés, les réfugiés doivent bénéficier des mêmes traitements que les nationaux en ce qui concerne l’éducation primaire et un traitement aussi favorable que possible en ce qui concerne les autres niveaux d’enseignement.

 

L'étroite définition du terme «réfugié» signifie que ceux qui traversent les frontières nationales pour des raisons autres qu'une crainte de persécution bien fondée (désastres naturels, famine, les effets du changement climatique, la privation socio-économique) ne sont pas protégés par le droit relatif aux réfugiés. Cette catégorie de personnes déplacées est évidemment protégée par le droit international relatif aux droits de l'Homme mais il n'y a pas d'instrument juridique spécifique pour traiter de leur situation, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux violations des droits de l'Homme, y compris leur droit à l'éducation.

 

Note: comme certains réfugiés, les personnes déplacées internes (PDI) ont fui  leur domicile à cause de situations d’urgence. La différence est que les PDI n’ont traversé aucune de frontière nationale et demeurent légalement sous la protection de leur propre gouvernement. Au niveau international, il n’existe pas de convention pour les personnes déplacées internes (PDI) équivalant à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés,  mais il existe des principes directeurs. Au niveau régional, la Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées internes (2009) stipule: «les États parties s’engagent à fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et dans les plus brefs délais, l'assistance humanitaire adéquate, notamment (...) l’éducation (...)» (article 9(2)(b)).

 

Pour plus d’informations, voir la page du Right to Education Project sur les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées internes.  

Le droit pénal international est basé sur le principe de responsabilité individuelle pour les crimes internationaux, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes d’agression et le génocide. 

L’éducation en tant que telle n’est pas protégée par le droit pénal international. Cependant, prendre les écoles pour cible ou les détruire peut constituer un crime de guerre (articles 8(2)(a)(iv) et 8(2)(b)(ii) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale). 

Le droit pénal international est relativement sous-développé et n’a pas été testé pour ce qui est de l’éducation mais il a une portée qui protège l’éducation de deux manières:

Tout d’abord, si certains groupes sont délibérément privés d’enseignement et si d’autres critères sont remplis, cela peut être considéré comme étant une persécution, que le Statut de Rome estime être un crime contre l’humanité (articles 7(1)(h) et 7(2)(g)).

Deuxièmement, il est possible que si le contenu pédagogique, tel que les programmes scolaires, les manuels et les leçons sont utilisés comme incitation au génocide, cela constitue un crime international  (article 25(3)(e)).

Pour plus d’informations, voir les sections 3.3 et 5.3 de «Protecting Education in Insecurity and Armed conflict: An International Law Handbook» (en anglais uniquement).

«Droit des conflits armés» ou «Droit international humanitaire» :

 

De plus, certains instruments des droits de l’Homme font référence spécifiquement au droit humanitaire international: 

 

Droit pénal international :

 

 

Pour plus d’information, voir Instruments internationaux - l’éducation en situations d’urgence

Pour des instruments internationaux sur le droit à l’éducation, voir ici.

Pour des instruments internationaux sur les réfugiés et les personnes déplacées internes (PDI), voir ici.

Pour des instruments internationaux sur les enfants soldats, voir ici.

En plus des instruments contraignants (dits de «droit dur») énumérés ci-dessus, il y a aussi des instruments dits de «soft law» (c'est à dire des instruments qui ne sont pas juridiquement contraignants) protégeant l'éducation dans les situations d'urgence:

  • La Déclaration internationale sur la sécurité dans les écoles (International Safe Schools Declaration) (2015), qui comprend les lignes directrices pour la protection des écoles (Guidelines for Protection Schools and Universities from Military Use). Actuellement, 113 pays ont signé la Déclaration ( au 1er mars 2022).

 

Le Manuel des Normes fondamentales de l’INEE est un document normatif qui contient 19 normes dérivées du droit à l'éducation tel que garanti par le droit international des droits de l'homme, le droit humanitaire et le droit des réfugiés. Chaque norme est  accompagnée d’actions clés et de notes d’orientation. 

Le Manuel a pour but d’améliorer la qualité de la préparation, des interventions de réponse et du relèvement au niveau de l’éducation, d’accroître l’accès à des possibilités d’apprentissage sûres et pertinentes et de garantir que ces services soient fournis avec responsabilité. 

Les normes ont été développées, débattues et adoptées à travers un processus participatif de consultations au niveau local, national et régional, ainsi que des consultations en lignes impliquant plus de 3 250 individus de plus de 52 pays, y compris des praticiens de l'éducation, de l'humanitaire et du développement, ainsi que des décideurs politiques. Le Manuel des Normes minimales de l'INEE est disponible en 22 langues et a été utilisé dans plus de 110 pays.

Boîte à outils INEE donne accès au Manuel dans toutes les langues ainsi qu'à d'autres outils et ressources appuyant l'application des standards.

 

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